Comment « faire plier le gouvernement » ? Les réponses des manifestants

À Paris, le jeudi 23 mars 2023. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
À Paris, le jeudi 23 mars 2023. - © NnoMan Cadoret / Reporterre
Durée de lecture : 5 minutes
Luttes Social Politique RetraitesLa colère gronde dans les rues de France. Beaucoup veulent obliger le gouvernement à retirer sa réforme des retraites. Mais comment ? Reporterre a interrogé des manifestants à Bayonne, à Lyon et à Paris.
Bayonne, Lyon, Paris, reportage
Alors que le président de la République a appelé à « l’unité du pays », en plaidant un projet « responsable » le 22 mars, la colère est encore montée d’un cran lors de la neuvième mobilisation nationale contre la réforme des retraites. 3,5 millions de manifestants ont battu le pavé le 23 mars, selon la CGT (1,08 million selon la police).
Partout en France, des affrontements entre manifestants et police ont éclaté dans les cortèges. Mot d’ordre : obliger le gouvernement à retirer sa réforme. Mais, concrètement, comment les militants comptent-ils s’y prendre ? Reporterre est allé dans les cortèges défilant à Bayonne, Lyon et Paris pour leur demander.
À Lyon, « faire plier le gouvernement, c’est… » :
Fabien Bagnon : « C’est faire la grève générale »
« Je pense qu’une grève générale fait partie de la solution : on arrête tout et on réfléchit. On est à un moment historique par rapport aux urgences sociales et environnementales où il faut se poser la question de la trajectoire. La désobéissance civile non-violente est un autre levier, tout comme la mise en place du militantisme “fun”, tels les clowns des manifestations qui parodient ceux qui s’accaparent les richesses. »

Damien : « C’est ne rien lâcher »
« Que fait-on dans un dialogue de sourds ? Il ne faut rien lâcher. Alors on revient une journée de plus. Puis une autre. Avec l’espoir que ça pèse dans la balance. »

Antoine Pariset : « C’est taper du poing sur la table des députés »
« Nous les paysans, on nous a promis une retraite à 1 000 euros pour nos anciens : on n’en a pas vu la couleur. Maintenant, on nous dit qu’il faut faire des efforts. Alors partout où il y aura un député, on tapera du poing sur la table. »

Catherine : « C’est user du référendum d’initiative partagée »
« Aujourd’hui, en dehors de la rue et du mouvement social, on peut user du référendum d’initiative partagée. Ça fait partie des leviers qu’il faut soulever : réunir 4 millions et demi de signatures dans le contexte actuel, c’est fortement jouable. »

À Bayonne, « faire plier le gouvernement, c’est… » :
Argitxu Dufau : « C’est bloquer l’économie »
« Je ne vais pas être très originale mais l’une des seules possibilités c’est de bloquer l’économie. La seule chose que le gouvernement écoute, c’est le capital. Il faut bloquer et par tous les moyens possibles : grèves, blocages, boycotts… Le mouvement syndical a énormément mobilisé : ici, au Pays basque, on a revu des manifestations avec des familles. Mais quand on procède de cette manière-là, on n’est pas entendu. »

Maël Thomas : « C’est rester unitaires »
« Il faut renforcer le mouvement social, continuer les gréves et blocages, et aller plus loin. À Bizi, on utilise la désobéissance civile et la non-violence en passant par l’humour pour montrer les incohérences des discours. Il faut leur faire peur, montrer que le mouvement dépasse la question des retraites et ancrer d’autres revendications dans le mouvement social. Tout en faisant preuve d’une solidarité sans faille parce que cela peut durer longtemps ! Et rester unitaires jusqu’au retrait de la réforme. »

Laurent Bernays : « C’est reprendre notre autonomie »
« Il faut reprendre notre autonomie, notamment alimentaire et avoir du temps libéré. Aujourd’hui, ils nous tiennent par l’assiette. Beaucoup de gens sont prêts à changer la société mais ils sont pris à la gorge. Il y a deux choses que les néolibéraux ne supportent pas, l’arrêt de l’économie et l’improvisation. Nous, les poètes ne sommes pas maîtrisables, on ne rentre pas dans les langages qu’on veut nous imposer. On les aura par l’inventivité et la créativité. »

Estelle Deschamps : « C’est mettre le pays à l’arrêt »
« Je suis pacifiste donc j’espère que la mobilisation de la rue permettra de faire plier le gouvernement. Je comprends que ça dégénère mais j’espère qu’on n’en arrivera pas là. En tant qu’infirmière libérale, je ne peux pas faire grève, c’est la première fois que je viens car je suis de repos aujourd’hui. Mais je soutiens toutes les professions qui peuvent se le permettre ! S’il faut mettre le pays à l’arrêt alors faisons-le. »

À Paris, « faire plier le gouvernement, c’est… » :
Nara : « La seule arme que nous avons, c’est la grève »
« La grève est un rapport de force et c’est la seule arme que nous avons, nous, travailleurs et travailleuses. Depuis le 19 janvier, toutes les semaines, je fais au moins deux jours de grève. Ce mouvement est réjouissant car c’est la première fois que je vois une telle unité syndicale, nationale comme locale. Macron a réussi à unifier, quelque part. »

Diane : « C’est montrer qu’on est un peuple uni »
« Continuer d’aller dans la rue, continuer de manifester. Essayer de montrer qu’on n’est pas qu’une foule, qu’on est un peuple uni et qu’on ne peut pas faire passer des choses comme ça. Pour moi, c’est ma manière de lutter : aller manifester tout le temps. Ce qui me fait très peur, c’est que Macron ait besoin d’un mort pour qu’il retire sa réforme. Mais on ne va rien lâcher, parce qu’unis, je pense qu’on peut y arriver. »

Camille : « C’est se mobiliser dans la rue et appuyer des stratégies plus “extrêmes” »
« Il n’y a pas d’autre stratégie que ce qu’on est en train de faire : d’un côté, être mobilisés massivement dans la rue et d’un autre, appuyer d’autres stratégies plus “extrêmes” : des manifs sauvages, des blocages, des sabotages… Même si on ne les pratique pas, il faut être très clairs sur l’appui qu’on leur donne. Il y a tellement de monde dans la rue, il y a une mobilisation tellement incroyable, c’est sûr que le gouvernement finira par retirer cette réforme. »

Xavier : « C’est tout bloquer »
« Il faut aller chercher le gouvernement et le virer. On va lui faire comprendre que la rue est à nous. On va continuer à tout bloquer, tout ce qui pourra le faire plier. »
