Des associations veulent obtenir l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM

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OGMLa majeure partie des bovins sont en Europe nourris avec du maïs ou du soja transgéniques. Mais les consommateurs ne le savent pas. Pour obtenir l’étiquetage « nourris aux OGM » des viandes concernées, des associations lancent une campagne et un recours auprès de l’Union européenne.
Savez-vous que 90 % du bétail élevé en France peut avoir mangé des OGM ? Quand vous achetez des œufs, du lait, du poisson ou de la viande sans label ou étiquetage spécifique, impossible de savoir si l’animal a mangé du soja, du maïs ou du colza génétiquement modifié.
C’est pourquoi hier mardi 9 février, le Collectif de citoyens Consommateurs, pas cobayes ! a déposé une plainte devant la Commission européenne pour demander la transparence de l’étiquetage des OGM. L’argumentaire a également été déposé auprès du ministère français de l’Économie (notamment en charge de la consommation et de la répression des fraudes), et en copie aux ministères de l’Agriculture et de l’Écologie. « Ce n’est pas une procédure judiciaire pour l’instant, c’est plutôt un recours, un rappel à la réglementation », explique Bernard Astruc, coordinateur de la campagne.
Pour appuyer ce recours, le collectif citoyen s’appuie sur une convention internationale, ratifiée par l’Union européenne et la France, la Convention d’Aarhus. Ce texte, un des piliers du droit environnemental, prévoie notamment que les « informations suffisantes sur les produits soient mises à la disposition du public de manière à permettre aux consommateurs de faire des choix écologiques en toute connaissance de cause. »
Du bétail massivement nourri aux OGM
Or, dans le cas des OGM, Consommateurs pas cobayes considère que l’information reste incomplète. « Des animaux nourris à base d’OGM arrivent dans nos assiettes et il y a un voile total sur cette information », estime Émilie Gaillard, juriste et membre de End Ecocide on Earth. Pour l’instant, seuls les produits contenant volontairement des OGM, par exemple une conserve contenant du soja ou du maïs, sont étiquetés (si la présence est involontaire et inférieure à 0,9 %, il n’est pas besoin de la signaler). Ils sont peu nombreux sur les étagères des supermarchés, car plutôt boudés des consommateurs.
On croit donc être relativement à l’abri des OGM en Union Européenne… Ce n’est pas si simple : « L’alimentation du bétail est la vraie porte d’entrée des OGM en Europe, rappelle l’association Inf’OGM. 80 % des OGM importés dans l’Union européenne sont utilisés pour nourrir les animaux d’élevage ».
Et ces OGM destinés aux élevages ne sont pas étiquetés. Si l’on mange du porc ou des œufs de poules nourris au maïs OGM, aucun règlement oblige à le signaler. Dans ce cas, le seul moyen de repérer les produits sans OGM est de se fier au logo « nourris sans OGM » apposé volontairement par le producteur, au label bio (il interdit les OGM) et à certains labels rouges ( voir ici un guide pour tenter de s’y repérer).
Protéger la santé et la biodiversité

Mais pourquoi informer les consommateurs, puisqu’ils ne mangent pas directement des OGM ? « Les plantes OGM produisent, ou tolèrent les pesticides. Elles sont ensuite mangées par les animaux, et cela expose le consommateur », estime le docteur Joël Spiroux, président du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique). Il cite notamment la dernière étude du Professeur Gilles-Eric Séralini, également membre du CRIIGEN, montrant une probable toxicité d’un maïs OGM sur des animaux d’élevage : « On nous fait manger des animaux potentiellement malades », avertit-il.
Autre idée défendue par Consommateurs pas cobayes, celle du « choix écologique » : le consommateur a le droit de choisir quel modèle agricole il soutient. « Or les OGM ne sont pas compatibles avec la protection de la planète », estime Olivier de Schutter, ancien rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation, aussi mobilisé pour l’occasion. « Les OGM encouragent notamment le développement de monocultures qui entraînent une perte de biodiversité. »
Des arguments réfutés par l’EFSA, l’Agence européenne de sécurité des aliments. « En Europe, il y a une réglementation sur l’étiquetage qui indique quels produits doivent l’être, dit à Reporterre Claudia Paoletti, du département OGM de l’agence. Et s’il y avait un problème avec n’importe quel aliment issu d’animaux nourris aux OGM, croyez bien que l’EFSA le signalerait pour interrompre la consommation de ces produits. Aujourd’hui, d’après les informations disponibles, il n’y a aucun risque pour l’humain. »
Démocratie alimentaire
Mais pour Consommateurs pas cobayes, « c’est tout simplement l’idée de démocratie alimentaire qui est en jeu. » Le recours est donc une forme d’avertissement aux dirigeants européens et français.
Au niveau national, la député écologiste Brigitte Allain avait déjà défendu un amendement demandant un tel étiquetage en septembre dernier. Il avait été rejeté, le gouvernement affirmant que la compétence relève de l’Union. Mais « l’Assemblée nationale a bien voté un étiquetage de la viande ’élevée et abattue en France’ », rappelle la député. Tout n’est donc question que de volonté politique, qu’elle soit française ou européenne...
Pour motiver nos décideurs, Consommateurs pas cobayes s’appuie sur une pétition qui a déjà recueilli 240.000 signatures. « Elle pourrait se transformer en Initiative citoyenne européenne », espère Émilie Gaillard. Avec un million de signatures collectées dans les pays de l’Union, il serait alors possible de présenter une proposition législative à la Commission européenne.