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Alimentation

Huile d’olive : alerte à la fraude !

L’ONG Foodwatch rapporte une étude qui dévoile que la moitié des huiles d’olive italiennes ne sont pas « vierges extra », contrairement à ce que prétendent leurs étiquettes. La France est également concernée, mais les autorités ne font preuve d’aucune transparence sur l’identité des tricheurs épinglés.

En mince filet sur nos salades ou chauffée à la poêle avec des légumes, l’huile d’olive figure au firmament des condiments dans nos cuisines. Or ce produit « est l’un des plus fraudés en Europe », alerte l’ONG Foodwatch, qui publie ce mardi 11 mai une étude italienne édifiante : chez nos voisins transalpins, une huile d’olive sur deux n’est pas « vierge extra » comme annoncé sur l’étiquette.

Cette appellation « regroupe en principe le haut de gamme des huiles d’olive vierges qui doivent toutes obligatoirement être obtenues par procédé mécanique (pressage), sans traitement chimique ni chauffage susceptible d’altérer sa qualité », précise l’UFC-Que Choisir dans son guide d’achat dédié. Elle est à ce titre vendue en moyenne 30 % plus chère. Pour décrocher ce précieux sésame, l’huile d’olive doit donc répondre à des critères stricts : « Il y a des tests physicochimiques, effectués en laboratoire, pour vérifier notamment l’acidité et la teneur en acides gras, dit à Reporterre Ingrid Kragl, directrice de l’information à Foodwatch. Puis il y a un test organoleptique, où des experts vont déceler d’éventuels défauts sensoriels. »

Pour ce faire, des enquêteurs goûtent le précieux liquide comme s’ils dégustaient du vin, suivant « un protocole scientifique » : « Une première phase consiste à mettre en bouche une petite quantité d’huile, explique la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF). Il s’agit de la répartir de la pointe jusqu’à l’arrière de la langue dans toute la cavité buccale. Il est alors possible de détecter différents signaux : la douceur sur la pointe de la langue, l’amertume au centre, le goût métallique sur les côtés et le piquant au début de la gorge. »

Le goût des huiles est testé pour vérifier la véracité de leur qualité.

Ainsi, nombre d’huiles d’olive ne réussissent pas l’examen : elles doivent alors être commercialisées sans mention particulière de qualité. Sauf qu’en Italie, sept des quinze huiles vendues dans les supermarchés comme « extra vergine » ont été finalement recalées lors d’un test organoleptique diligenté par le magazine Il Salvagente : des goûts de moisissure, d’humidité ou de rancissement ont pu être décelés et ont disqualifié les condiments.

Et en France ? « Certaines des marques italiennes épinglées sont distribuées en France, comme Carapelli ou De Cecco, observe Mme Kragl. Cela ne signifie pas que toutes les huiles vendues par ces entreprises sont frauduleuses, mais on est en droit de se demander ce qu’il y a vraiment dans les bouteilles qu’on achète. » Et ce d’autant plus qu’en février dernier, la DGCCRF rendait publiques des données accablantes sur les huiles d’olive vendues dans nos magasins : « 49 % des produits analysés étaient non conformes à la réglementation, rapportait alors la Répression des fraudes. Certains produits présentaient des défauts de qualité qui leur ont valu un déclassement de "vierge extra" en "vierge", d’autres présentaient des défauts d’étiquetage. »

Le phénomène ne paraît pas nouveau : la DGCCRF disait constater « depuis plusieurs années la persistance d’un certain nombre de tromperies ». En cause, d’après l’administration : une forte demande des consommateurs et un prix de vente très variable — de 5,80 € le litre en grande surface à 20 € le litre sous signe de qualité — qui « peuvent inciter certains professionnels à recourir à des comportements frauduleux afin d’accroître leurs bénéfices ». Avec quelque 110 000 tonnes consommées chaque année dans l’Hexagone — dont plus de 70 % proviennent de l’étranger — « la France figure parmi les principaux consommateurs » européens, note encore la DGCCRF, qui explique mener des contrôles réguliers sur ce produit plébiscité.

« C’est l’opacité la plus totale, et cela entretient un sentiment d’impunité. »

Le problème, souligne Ingrid Kragl, est que la DGCCRF ne communique ni les noms des marques épinglées, ni les sanctions prises : « C’est l’opacité la plus totale, et cela entretient un sentiment d’impunité… Les fabricants peuvent continuer à frauder, puisque les risques encourus, notamment en termes de réputation, sont minimes ! » Résultat, les consommateurs n’ont aucun moyen de se prémunir des contrefaçons.

« Nous voulons créer un électrochoc dans la classe politique pour l’obliger à s’emparer du sujet, être plus transparente et déployer des moyens à la hauteur du problème, expliquait ainsi Ingrid Kragl à Reporterre, lors de la sortie de son livre Manger du faux pour de vrai. L’opacité de nos dirigeants est un choix politique ; rien ne s’oppose à ce qu’ils soient plus transparents. » L’ONG a ainsi lancé une pétition pour réclamer plus de clarté au gouvernement français. Elle a récolté à ce jour près de 25 000 signatures.

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