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COP27

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont très vulnérables au chaos climatique

Temple de Louxor, en Égypte, en 2007.

À l’heure de la COP27, tous les regards sont tournés vers l’Égypte. Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, le réchauffement climatiques est deux fois plus rapide qu’ailleurs. Ses conséquences sont multiples.

Beyrouth (Liban), correspondance

Alors que l’Égypte accueille la COP27 à Charm el-Cheikh du 6 au 18 novembre, plusieurs scientifiques s’alarment des nombreuses conséquences du changement climatique sur la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena).

Un rapport récent, dirigé par l’Institut de Chypre et publié dans la prestigieuse revue scientifique Reviews of Geophysics, indique que l’augmentation de la température observée dans la région a été presque deux fois plus rapide que la moyenne mondiale. La poursuite du statu quo entraînera un réchauffement régional moyen supplémentaire pouvant atteindre 5 °C avant la fin de ce siècle, ce qui déstabilisera largement les écosystèmes et perturbera profondément les sociétés. « L’accélération du réchauffement régional s’est aggravée au cours des quatre dernières décennies. La région Mena, déjà soumise à des contraintes environnementales, est considérée comme particulièrement vulnérable au changement climatique », indique George Zittis, chercheur associé au Centre de recherche sur le climat et l’atmosphère de l’Institut de Chypre et auteur principal du rapport.

Du fait de son rôle dans la production d’hydrocarbures et de son utilisation croissante de combustibles fossiles, le Moyen-Orient est en train de devenir l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et de méthane), avertit George Zittis. Il participe ainsi à l’accélération du réchauffement planétaire et donc de la région Mena, où les conséquences sont plus marquées qu’ailleurs.

À Oman, les températures ont surpassé les 50 °C cet été. Wikimedia Commons/CC BY-SA 2.0/Hans Birger Nilsen

C’est dans cette partie de la planète que l’on retrouve les canicules saisonnières les plus longues du monde — l’intensité moyenne de la canicule augmente de 50 % par décennie. L’été dernier, de nombreuses villes en Irak se sont rapprochées des températures les plus importantes jamais enregistrées sur Terre par l’Organisation météorologique mondiale (OMM). De leur côté, les pays du Golfe ont été frappés de plein fouet par des vagues de chaleur, avec des températures surpassant les 50 °C en Arabie saoudite, au Koweït et à Oman.

L’effet domino de la crise climatique

En plus des épisodes de chaleur, qui devraient être plus extrêmes et fréquents, les régions adjacentes à la mer Méditerranée devraient connaître une baisse des précipitations allant de 20 à 40 %. Les sécheresses devraient quant à elles durer jusqu’à 90 % plus longtemps.

La région est également particulièrement sensible au phénomène de désertification. L’Égypte, la Jordanie et la Palestine connaissent déjà un déclin de leur végétation, et jusqu’à 80 % de leurs superficies terrestres. En plus d’augmenter l’aridité de la région, perturbant largement les modèles agricoles, ce phénomène devrait également accentuer le nombre et l’intensité des tempêtes de sable, qui coûtent déjà plus de 13 milliards de dollars à la région, selon la Banque mondiale.

En Irak, des millions de personnes sont affectées par les sécheresses et le stress hydrique. Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/EU Civil Protection and Humanitarian Aid

Dans une partie du monde qui abrite déjà 12 des 17 pays les plus touchés par le manque d’eau, et où la population est amenée à doubler d’ici 2050, les conséquences de la crise climatique sur les sociétés devraient être considérables. Plus de 12 millions de personnes en Irak et en Syrie sont déjà affectées par les sécheresses et le stress hydrique. De son côté, la Banque mondiale estime que la pénurie d’eau liée à la crise climatique coûtera aux pays du Moyen-Orient entre 6 et 14 % de leur PIB d’ici 2050, en raison des conséquences de ce manque d’eau sur l’agriculture, la santé et les revenus.

« Nous devons également mieux comprendre les implications socioéconomiques du changement climatique. Par exemple, la concurrence pour des ressources telles que l’eau, l’énergie et la nourriture pourrait déclencher ou exacerber les conflits existants dans la région », estime George Zittis.

Des zones inhabitables

En plus d’aggraver les problèmes de gouvernance et d’intensifier les inégalités socioéconomiques, la crise climatique risque de déstabiliser la capacité de résilience des pays. « Si des efforts d’atténuation opportuns et efficaces ne sont pas déployés, certaines parties du Moyen-Orient, par exemple dans le Golfe, pourraient devenir inhabitables, au moins pendant les jours les plus chauds de l’année », avertit George Zittis. Les fortes chaleurs associées à une augmentation de l’humidité peuvent en effet être mortelles si le corps humain ne peut pas se rafraîchir par la transpiration [1].

Parallèlement, les zones basses et densément peuplées de l’Afrique du Nord côtière et du Golfe sont particulièrement sensibles à l’élévation du niveau de la mer Méditerranée, que les prévisions estiment pour le moment entre de 20 à 90 cm d’ici à 2100. À l’image d’Alexandrie, qui devrait subir un nombre croissant d’inondations, ce sont des millions de personnes qui devront se déplacer vers l’intérieur des terres et contribueront un peu plus à l’urbanisation massive des écosystèmes.

Agriculteur en Irak. Pixnio/CC/R. Rossi, USAID

Autres conséquences, celles sur l’agriculture. 45 % des terres agricoles devraient être exposées à la salinité, à l’épuisement des nutriments du sol et à l’érosion. L’élévation de la mer devrait ainsi largement aggraver la sécurité alimentaire dont la fragilité a déjà été mise en lumière par la guerre en Ukraine.

Et tous les pays ne sont pas égaux. « Dans des villes comme Dubaï avec une forte capacité d’adaptation, les conséquences de la crise climatique se feront moins ressentir, observe Lama Elhatow, consultante sur le changement climatique dans la région Mena, qui a notamment travaillé avec la Banque mondiale. Les personnes les plus pauvres seront les plus touchées par le changement climatique, pas les riches assis dans leurs gratte-ciel avec leur climatisation ».

Face aux dangers que représente la crise climatique, une proportion croissante de la population est largement favorable à ce que les gouvernements prennent davantage de mesures. Près des deux tiers des Tunisiens et Algériens souhaitent que leurs gouvernements s’impliquent davantage, comme la moitié des Égyptiens, Koweïtiens, Irakiens et Libanais. À l’heure où la COP27 se déroule en Égypte, les pays en développement comptent bien pousser les autres États à tenir leur promesse d’aides financières pour leur lutte contre le réchauffement climatique [2]. « Il y a un aspect très inégalitaire quand on parle de ceux qui ont la capacité de s’adapter à la crise climatique et de ceux qui en souffrent, assure Lama Elhatow. La notion de justice climatique va donc de pair avec les objectifs du développement durable. »

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