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TribuneQuotidien

Les méthodes naturelles de contraception ne sont pas un retour en arrière

La fiabilité des méthodes naturelles de contraception a récemment été mise en cause. Les auteures de cette tribune dénoncent la « désinformation » et les amalgames autour de cette question et indiquent quelles sont les méthodes efficaces.

Marion Vallet est sage-femme libérale à Lille ; Anne Dehegeer est médecin généraliste à Nantes ; Sophie Saab-Tsnobiladze est médecin généraliste à Paris. Leur tribune-pétition a été cosignée par plus de 250 professionnels de santé.


Dans un récent communiqué de presse et une vidéo dans Le Point, madame de Reilhac, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, « alerte » sur les « méthodes naturelles » de contraception, qui seraient un « retour en arrière » car elles présenteraient un taux d’échec élevé. Nous avons relevé dans ce communiqué — et dans les multiples articles de presse qui ont suivi — de nombreux amalgames qu’il nous semble important de rectifier pour une information réellement éclairée des femmes.

Nous sommes plus de trois cents. Trois cents professionnels de santé, médecins, gynécologues, sages-femmes, pharmaciens, infirmières et chercheurs à dire « stop » à cette désinformation autour des méthodes naturelles de contraception. Tout comme vous, nous avons chaque jour face à nous des patientes pour qui nous voulons le meilleur et la meilleure efficacité. C’est précisément pour cela que nous déplorons qu’aujourd’hui encore la peur, l’ignorance ou des préjugés infondés puissent primer sur l’information des patients. Nous considérons que le « choix » contraceptif des femmes ne sera absolu et absolument libre que lorsque nous en aurons fini avec cette méconnaissance qui prive les femmes d’une partie de l’offre contraceptive existante.

Par cette tribune, nous souhaitons faire le point sur ce qu’il en est réellement de l’efficacité des différentes méthodes de contraception dites « naturelles », de leur prétendue « adoption massive » par les jeunes femmes et de leur prétendu impact sur les taux d’IVG.

Les « méthodes naturelles » ne sont pas toutes à mettre dans le même sac 

Non, les « méthodes naturelles » ne sont pas toutes à mettre dans le même sac. Par exemple, le retrait n’a rien à voir avec les méthodes modernes d’observation du cycle (comme la symptothermie, la méthode de l’ovulation Billings ou Fertility Care) dont l’efficacité élevée a été scientifiquement évaluée à maintes reprises [1] . Pourtant, malgré des taux d’efficacité absolument incomparables, les tableaux présentant les différentes méthodes contraceptives persistent à les classer dans la même catégorie fourre-tout intitulée « méthodes naturelles ».

Non, il n’y a pas un « recours massif » des Françaises aux méthodes naturelles (4,6 %, selon le dernier baromètre Santé publique France).

Non, le taux d’IVG par femme n’augmente pas en France, il est stable ces dernières années, voire à la baisse, et ce alors que les Françaises se détournent de plus en plus de la pilule [2].

Non, les « méthodes naturelles » ne se résument pas à la « bonne vieille méthode Ogino ». Car cette méthode, que nous déconseillons également, se contente de calquer un « calendrier » prédéfini pour toutes les femmes alors que les cycles varient selon chaque femme et au cours de la vie.

D’ailleurs, oui, tout comme vous, nous déconseillons vivement et explicitement à nos patientes les pratiques dites « naturelles » dont la fiabilité est insuffisante : retrait (ou « coït interrompu »), prévision de la date d’ovulation par « calcul » (méthode Ogino ou méthode du calendrier), applications « calendrier » pour smartphone, méthode des températures seules, etc.

Une observation quotidienne des biomarqueurs de la fertilité

Oui, des méthodes naturelles très fiables existent et font l’objet d’indices d’efficacité scientifiquement évalués et reconnus au niveau mondial : les méthodes Creighton, symptothermique, Billings, Marquette… Ces méthodes d’observation du cycle élaborées par des médecins-chercheurs, puis enseignées par des instructeurs accrédités, reposent sur une observation quotidienne des biomarqueurs de la fertilité, afin d’identifier avec précision les jours infertiles et les jours fertiles du cycle. Et la science ne cesse de continuer à les affiner et à les évaluer pour en tirer le meilleur.

Oui, pour garantir un fort taux d’efficacité, elles nécessitent rigueur, formation et aucun « bricolage ». Nous ne sous-estimons pas les difficultés liées à leur apprentissage mais nous témoignons aussi de la façon dont de nombreuses femmes, de nombreux couples les intègrent aisément à leur vie et en sont parfaitement satisfaits.

Ainsi, à l’heure où une nouvelle génération de femmes semblent vouloir reprendre possession de leur corps via ce qu’elles appellent l’« empowerment », nous croyons que nous, professionnels de santé, devons être à l’écoute de cette demande. Nous croyons qu’il est nécessaire que nous soyons compétents et à la hauteur de leurs attentes, afin de les accompagner efficacement et sans jugement.

Alors, chers confrères, quand cesserons-nous de faire croire aux femmes que les méthodes scientifiques d’observation du cycle sont archaïques, peu fiables, approximatives, aléatoires ?

Quand cesserons-nous de leur laisser penser que sans nous, professionnels de santé, elles ne peuvent se connaître ? Les femmes ont le droit de comprendre comment fonctionne leur organisme. Les femmes en sont capables.


La pétition, accompagnée d’une version plus détaillée de ce texte, est disponible en ligne.


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