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Climat

Macron et l’Europe : tout pour la croissance, rien pour le climat

Emmanuel Macron, à Paris, présentait ses priorités pour la présidence française du Conseil de l'Union européennele le 9 décembre 2021.

M. Macron a présenté jeudi 9 décembre ses priorités pour l’imminente présidence française du Conseil de l’Union européenne. Le climat n’en fait pas partie. La sobriété ? Pas question. Le chef de l’État mise tout sur la taxe carbone aux frontières.

« Relance, puissance et appartenance »... mais où est l’écologie ? Jeudi 9 décembre, lors d’une conférence de presse organisée à l’Élysée, Emmanuel Macron présentait ses priorités pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne. En pleine campagne pour l’élection présidentielle, la France va débuter, le 1er janvier prochain, son mandat de six mois.

Le chef de l’État a attendu près d’une heure avant d’évoquer le paquet climat, le plan d’action de l’Union européenne visant à mettre en place une politique commune en matière d’énergie et de lutte contre le changement climatique. Objectif : réduire les émissions carbone de l’UE d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux d’émissions de 1990. Pour Emmanuel Macron, la sobriété n’est pas la clé pour y parvenir : « Atteindre la neutralité carbone ne signifie pas produire et consommer moins. » Il a appelé à «  concilier développement économique et ambitions climatiques  » en instaurant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, « cette fameuse taxe carbone aux frontières de l’Europe, qui permet justement de conduire cette transition pour l’ensemble de nos industries en préservant notre compétitivité ». Ce mécanisme doit permettre à l’Union d’imposer ses normes environnementales aux entreprises étrangères exportant sur son territoire.

« Atteindre la neutralité carbone ne signifie pas produire et consommer moins »

« La taxe carbone aux frontières ne doit pas être un chiffon rouge opportuniste pour stigmatiser les pays en voie de développement et éluder la nécessité pour l’UE de commencer à décarboner sérieusement son industrie », a réagi Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace, lors d’une conférence organisée par le Réseau Action Climat (RAC) le 9 décembre. « La présidence française ne doit pas se résumer à des totems électoraux : une victoire sur le mécanisme carbone aux frontières seul ne suffira pas à faire d’elle un succès pour le climat », a dit de son côté Neil Makaroff, responsable des politiques européennes au RAC.

« La France doit engendrer des avancées sur tous les chantiers », selon le militant. Ce n’est pas la direction prise par Emmanuel Macron et ses ministres depuis le début du quinquennat, selon un bilan publié le même jour par le RAC. Sur les grands chantiers européens, le gouvernement a « trop souvent eu le pied sur le frein, voire enclenché la marche arrière concernant le climat en Europe », analyse-t-il. L’association dénonce notamment le soutien de la France « au statu quo sur la politique agricole commune », son rejet de la fin de vente des véhicules essences, diesels et hybrides neufs en 2035, ou encore sa volonté d’inclure le nucléaire dans la « taxonomie verte » européenne, censée réorienter les flux financiers vers la transition écologique. Cette position aurait poussé la France à s’associer à des pays gaziers et à cosigner un texte avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque afin de faire accepter le gaz — un combustible fossile — dans cette liste, ainsi que le nucléaire.

« La présidence française doit être l’occasion pour elle de se rattraper en cessant d’endommager la cohésion européenne en défendant coûte que coûte les intérêts de l’industrie nucléaire ou automobile française, quitte à faire dérailler le Green Deal », a estimé Neil Makaroff. Les ONG membres du Réseau Action Climat ont appelé Emmanuel Macron à tout faire pour « stopper l’import de tous les biens qui nuisent aux forêts et aux autres milieux naturels » (Pierre Cannet, WWF), à « éradiquer la précarité énergétique en portant l’obligation de rénovation performante des logements » (Étienne Charbit, de l’association Cler) ou encore à réformer « urgemment et radicalement nos modes de production agricole » (Pauline Rattez, Ligue pour la protection des oiseaux).

150 paysans, en opposition à la réforme de la politique agricole commune, ont manifesté lors d’une action à Paris le 27 mai 2021. © Anna Kurth/Reporterre

Lors de sa conférence de presse, le président a insisté sur la nécessité de relancer l’économie en réponse à la crise du Covid-19 et a annoncé un sommet européen en France en mars 2022 autour de la croissance. Il a défendu le besoin de rendre l’Union européenne plus « souveraine », notamment militairement « dans un monde de menaces et de risques ». Faisant référence au naufrage de vingt-sept personnes migrantes dans la Manche, il a également détaillé ses idées pour réformer les accords de Schengen. « Quand un État membre doit soudainement faire face à une crise qui exige de renforcer le contrôle aux frontières extérieures de notre Union, il doit pouvoir compter sur l’appui de Frontex, agence commune dont c’est la vocation, mais également sur le renfort solidaire des États membres en policiers, gendarmes et matériel », a-t-il déclaré.

Au cours de la présidence française, des dizaines de rendez-vous seront organisés pour avancer sur ces différents chantiers et construire des consensus à vingt-sept Etats, essentiellement sur les trois premiers mois de l’année 2022, en raison de la présidentielle prévue au printemps.

Le candidat écologiste et député européen, Yannick Jadot a regretté mercredi 8 décembre « que la France n’ait pas fait le choix de changer la date de sa présidence […] biaisée et coupée en deux par l’élection ».

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