Mégabassines : face à la répression, les militants s’organisent

Des milliers de militants sont attendus à Sainte-Soline du 24 au 26 mars.
Des milliers de militants sont attendus à Sainte-Soline du 24 au 26 mars.
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Luttes Eau et rivières MégabassinesAlors que des milliers de personnes sont attendues à la manifestation contre les mégabassines les 24, 25 et 26 mars, les autorités tentent par tous les moyens d’entraver la mobilisation. Malgré les menaces, la pugnacité des militants ne faiblit pas.
La mobilisation la plus importante du printemps, contre les mégabassines. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont attendues dans les Deux-Sèvres du 24 au 26 mars. Près de 200 syndicats, ONG et partis politiques appellent à manifester pour s’opposer aux mégabassines, ces gigantesques réservoirs d’eau dédiés à l’agriculture industrielle. Un rassemblement que les autorités ont tenté d’entraver par tous les moyens. D’abord en interdisant tout attroupement ou manifestation, ainsi que le convoi de tracteurs, qui doit converger de toute la France dès le 24 mars.
Ensuite, en envoyant Julien Le Guet en garde à vue le 17 mars. Le très médiatique porte-parole du collectif Bassines non merci a été convoqué pour sa participation à la manifestation de Sainte-Soline en octobre dernier. Il a écopé d’un contrôle judiciaire ainsi que d’une interdiction de se rendre sur les communes de Mauzé-sur-le-Mignon et Sainte-Soline : les deux villages où sont prévues les actions du week-end. Cette garde à vue n’a pourtant pas entamé le moral du militant. « Je ne suis qu’un simple porte-parole. La réussite de la manifestation n’est pas conditionnée à ma présence sur place », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse le 20 mars.

Il s’agit d’une énième tentative d’intimidation des militants qui s’opposent aux bassines depuis six ans. Qualifiés d’écoterroristes par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, condamnés en justice et mis sur écoute : ils font face à une impressionnante débauche de moyens judiciaires et policiers.
Des subventions coupées
Les associations écologistes soutenant le mouvement sont également visées, à l’instar de l’Association de protection, d’information, d’études de l’eau et de son environnement (APIEE). « En novembre dernier j’ai reçu une lettre recommandée de la région Nouvelle-Aquitaine annonçant la suppression de notre subvention pour faire de l’éducation jeunesse parce que nous avions participé à l’organisation de la manifestation de Sainte-Soline, ce qui est faux », explique Joëlle Lallemand, présidente de l’APIEE.
Au début du mois, une autre lettre venant cette fois de la préfecture, a exclu son association de tous les comités de gestion de l’eau du département. « La lettre disait qu’on avait un comportement inadmissible dans un état de droit, mais ne donnait aucun détail », regrette-elle. Joëlle Lallemand assure que d’autres associations locales subissent des pressions : « On leur dit qu’on va baisser leurs subventions si elles continuent de prendre position contre les bassines ». Pourtant, ces menaces ne semblent pas décourager les militants. « Autour de moi, les gens sont de plus en plus remontés et ont envie de se battre encore plus fort », soutient-elle.
Une détermination sans faille ressentie également lors des nombreuses réunions d’informations menées par le collectif Bassines non merci, ces dernières semaines. « Beaucoup de gens ont conscience du dispositif policier qui sera mis en place. Mais ils nous ont assuré qu’ils seraient avec nous. Car il n’est pas question de laisser l’autoritarisme gagner », promet Julien Le Guet.

Garderie, pôle handivalidiste, collectif antisexiste...
Pour justement lutter contre cette répression, un fil Telegram (messagerie cryptée) a été mis en place, à destination des participants. Il diffuse de nombreuses informations pratiques : matériel à prendre, conduite à suivre en cas d’arrestation, divers numéros de téléphone pour joindre l’équipe juridique ou d’informations... « Nous espérons, à travers cette tentative, prendre soin de nous, de nos pratiques, de nos collectifs et de nos relations », explique l’une des brochures publiées sur ce fil.
Le 19 mars, une réunion Zoom a été organisée pour présenter les différents collectifs de la base arrière — qui sera installée dans la commune de Melle, à mi-chemin entre Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon — et répondre aux nombreuses questions des 400 participantes et participants. La legal team a notamment délivré toute une série de conseils en cas d’arrestation. « La répression cherche à dépolitiser et à criminaliser les personnes afin de réprimer et dissuader les autres. Nous devons collectivement limiter notre exposition à cette répression pour nous permettre d’avoir la force de lutter », a déclaré un membre du collectif juridique.

Au programme également de la base arrière, à Melle : une garderie pour les enfants, baptisée bassine à bulle, un pôle handivalidiste pour aider les personnes en situation de handicap à mieux accéder aux différents événements, ainsi qu’un collectif antisexiste baptisé Riots fight sexism. Ce dispositif vise à lutter contre les violences sexistes et sexuelles pendant les rassemblements.
Un groupe de soutien psychologique et émotionnel a également été créé. « On en a marre de la culture militante viriliste qui glorifie un certain rapport à la violence et qui considère que chercher de l’aide, c’est être faible », explique une membre du collectif. Plusieurs brochures sur les traumatismes seront mises à disposition et des séances d’écoute active seront organisées. Une infirmerie psychologique sera également installée à l’écart de la vie collective du camp pour proposer un soutien aux personnes en état de choc.
Enfin, l’équipe de médics a rappelé quelques conseils de base pour se protéger en cas d’affrontements. Avant de conclure : « Il faut prendre soin les uns des autres et aussi vous amuser. Il s’agit de moments festifs d’une grande puissance collective et cela va être super chouette ! »