Partout en France, des initiatives redonnent du pouvoir aux habitants

- © Héloïse Leussier / Reporterre
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SocialDes centaines de militants, chercheurs et élus de France ont participé à des débats et ateliers durant les Rencontres nationales du pouvoir habitant, organisées à Nantes du 27 au 29 janvier.
Nantes (Loire-Atlantique), reportage
« Comment faire en sorte d’être plus puissants ? Comme éviter le désarmement des alternatives ? Créer des contre-institutions ? » Ce sont avec ces questions que Clément Barailla, membre fondateur de Nantes en commun, a introduit les Rencontres nationales du pouvoir habitant. Nantes en commun, mouvement créé en 2018, se revendique municipaliste. Après avoir présenté une liste aux élections municipales en 2020, éliminée au premier tour avec 8,9 % des voix, il s’attache à « construire des communs ». Ces rencontres ont été l’occasion de débattre de la vitalité du mouvement municipaliste en France, mais aussi des initiatives autour des communs. Avec des interventions, entre autres, des chercheurs Réjane Sénac et Pierre Sauvêtre, d’un membre des Soulèvements de la Terre, de l’auteur P.M, du Syndicat de la Montagne limousine et de l’Après M, un « fast-food social » à Marseille.
Selon la définition donnée par le sociologue Pierre Sauvêtre, les communs sont « des pratiques auto-organisées de mutualisation des moyens de subsistance ». Mais « les communs se construisent toujours dans des conditions différentes, si bien qu’il n’y a pas de modèle universel », a-t-il affirmé.
Pour Nantes en commun, ce sont par exemple : un café autogéré, un champ cultivé en commun à côté de Nantes, un moulin pour fournir de l’électricité, une cantine populaire. « Et nous aurons bientôt une micro-brasserie, qui s’appellera la BCE, pour Brasserie Communale Extraordinaire », a annoncé Margot Medkour, tête de liste de Nantes en commun aux municipales de 2020.
« Le municipalisme a été très regardé, en 2015 et 2019, en Espagne, avec les mairies rebelles et des figures comme la maire de Barcelone Ada Colau. Mais il y a des choses qui crépitent aussi à Zagreb, en Serbie, en Italie, en Hongrie, aux Pays-Bas... Et en France, avec un mouvement pour remettre les citoyens au cœur des décisions », a souligné la chercheuse Elisabeth Dau. Avec la coopérative Fréquence commune, elle accompagne les projets de démocratie locale. Selon elle, après les communes « pionnières » comme Trémargat (Côtes-d’Armor) ou Saillans (Drôme), les élections municipales de 2020 ont marqué « un changement notable », en France, avec 600 candidatures de listes participatives. « Le contexte du Covid-19 a un peu sabré l’élan, avec la réélection massive de maires sortants. Mais les listes participatives qui ont été élues s’activent », a-t-elle affirmé. C’est le cas par exemple à La Montagne, à une vingtaine de kilomètres de Nantes, dont le maire Fabien Gracia, est venu témoigner de son expérience.
Des initiatives aux formes variées
D’autres initiatives cherchent à redonner du pouvoir habitat à d’autres échelles. Comme par exemple l’Après M, à Marseille, un « fast-food social », entreprise d’insertion, dans un ancien McDonald’s, créé par des habitants et des anciens salariés de la multinationale. « Ça a été une lutte acharnée, mais aujourd’hui ça fonctionne. Nous avons embauché trente-cinq personnes. Les excédents servent à distribuer des colis alimentaires à 600 personnes tous les lundis, sans aides publiques », a relaté le militant Fathi Bouara, devant un public très enthousiaste. Le Syndicat de la Montagne limousine, lui, n’est pas rattaché à un seul endroit, mais « s’appuie sur une multitude de lieux », a expliqué Faustine, l’une de ses membres. Il fonctionne avec des groupes de travail, par exemple sur l’entraide administrative, la mobilité ou la forêt.
Les acteurs qui militent pour redonner du pouvoir aux habitants cherchent-ils à se fédérer ? « On voit ces dernières années en France des expériences localisées qui trouvent de l’écho les unes avec les autres. Il y a une intensification des rencontres. Certains ont des velléités de faire des fédérations, mais cela prend son temps. L’idée n’est pas de porter en étendard le municipalisme ou le confédéralisme démocratique et d’essayer de le décliner localement, mais de partir de la densité des expériences locales », a estimé Benjamin, du Syndicat de la Montagne limousine. « On est moins sur l’idée de créer un mouvement national que de faire circuler les idées, débattre », selon Clément Barailla, de Nantes en commun.
« Est-ce que les communs sont des rustines qui viennent se substituer à un État social faiblissant ou est-ce que c’est une autre politique ? Un nouveau modèle politique pour la gauche ? » s’est interrogé Pierre Sauvêtre. Il a posé notamment la question du rapport aux syndicats et partis politiques de gauche, qui eux appellent à une forme de retour à l’État providence. En tout cas, à la veille d’une mobilisation contre la réforme des retraites qui s’annonce massive, les militants pour les communs se veulent optimistes. « La mobilisation contre la réforme des retraites pourrait être un levier pour montrer qu’on peut gagner des combats », a conclu Esther Le Cordier, membre de Nantes en commun.