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Énergie

Pétrole : l’Arabie saoudite annonce le pic de sa production dès 2027

Le gisement de Shayba est l'un des gisements de pétrole géants d'Arabie saoudite exploité par la compagnie nationale Aramco.

Le prince Mohammed ben Salmane a annoncé, le 16 juillet, que la production d’or noir du pays devrait plafonner dans cinq ans, à un niveau plus faible que celui attendu.

L’information a été moins commentée que le « check » échangé entre Joe Biden et Mohammed ben Salmane. Elle est cependant plus importante pour l’avenir énergétique de l’humanité. Lors de sa rencontre avec le président étasunien, le 16 juillet, le prince héritier d’Arabie saoudite a annoncé que la production de pétrole du pays devrait atteindre son pic — c’est-à-dire plafonner, avant de décroître progressivement — à 13 millions de barils par jour. Une fois ce niveau atteint, le royaume « n’aura pas la capacité d’augmenter davantage sa production », a précisé le prince dans un discours.

Le seuil annoncé devrait être atteint en 2027, selon une récente déclaration du ministre de l’Énergie. Il est inférieur à celui que l’Arabie saoudite pensait jusqu’alors pouvoir atteindre. En 2004, la compagnie pétrolière nationale Saudi Aramco avait promis à un centre de réflexion et de conseil étasunien, le Centre pour les études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies), qu’elle serait capable de produire 10 à 15 millions de barils par jour « au moins jusqu’en 2054 ».

100 millions de barils par jour

La déclaration surprise de Mohammed ben Salmane pose question, dans un contexte où la demande en pétrole ne cesse d’augmenter. Quelque 100 millions de barils sont engloutis quotidiennement à travers le monde. Du secteur industriel à la chimie, en passant par le transport, nos sociétés restent extrêmement dépendantes du pétrole, véritable « sang » de l’économie mondiale. Sans efforts de décarbonation rapides et soutenus, la demande devrait atteindre 104 millions de barils en 2026, selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

L’Arabie saoudite joue un rôle clé dans l’approvisionnement du monde en or noir. Le pays est le deuxième producteur de pétrole au monde, derrière les États-Unis. En 2021, sa production atteignait 10,7 millions de barils par jour (Mb/j). Il possède également les plus vastes réserves de pétrole conventionnel de la planète.

Un gisement de pétrole exploité par Aramco en 1981. Domaine public / Ray Stevens via Wikimedia Commons

Dans une chronique pour Bloomberg, le journaliste et spécialiste de l’énergie Javier Blas émet deux hypothèses quant aux raisons qui ont pu pousser le royaume à revoir ses ambitions à la baisse. Le pays pourrait anticiper un déclin de la demande en raison de la lutte contre le changement climatique, et donc rechigner à investir des milliards dans le développement de sa production. Mais cette explication semble peu probable, le prince ayant présenté ce seuil comme « irrévocable ». « Si l’argent n’est pas l’obstacle, alors ce doit être la géologie », pense le journaliste.

Le royaume peine à découvrir des champs de pétrole suffisamment abondants pour compenser le déclin de ses gisements vieillissants. L’annonce faite par le prince Mohammed ben Salmane pourrait traduire son inquiétude quant à sa capacité à augmenter de manière rentable la production. « Si c’est la géologie, et non une forme de pessimisme quant à l’avenir de la demande en pétrole qui fait obstacle à l’augmentation de la production saoudienne, le monde pourrait être confronté à une situation difficile si la consommation est plus forte que prévu », prévient le journaliste.

Déclin inévitable

Sans augmentation de la production saoudienne, « on peut douter que l’offre pétrolière mondiale parvienne à suivre la demande, toujours croissante, dans les années à venir, a commenté sur Twitter le spécialiste de l’énergie Maxence Cordiez, responsable des affaires publiques européennes au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). On peut se demander si l’Arabie saoudite […] parviendra même à atteindre 13 Mb/j en 2027 et à maintenir cette production. »

Le paysage mondial n’est guère plus rassurant. La moitié de la production de pétrole existante provient de champs « matures », et donc voués à décliner au cours des prochaines années. Un grand nombre de pays pétroliers — comme l’Algérie, le Nigeria ou l’Angola — voient déjà leur production diminuer depuis plusieurs années, tandis que d’autres — comme la Russie — devraient entrer en déclin au cours de la décennie 2020. Les projections actuellement les plus optimistes, par exemple celle de la société d’intelligence économique Rystad Energy, identifient un pic inévitable de la production de pétrole, faute de réserves suffisantes, au plus tard au cours de la décennie 2030.

Pour Javier Blas comme pour Maxence Cordiez, l’annonce de Mohammed ben Salmane offre une raison supplémentaire de décarboner notre économie. « Les perspectives d’offre étant déclinantes, soit nous adaptons notre demande de façon de façon volontaire et planifiée, soit elle devra s’adapter de façon forcée par le prix », juge l’ingénieur français. Cette dernière option, explique-t-il, promet d’être « douloureuse économiquement, en particulier pour les plus modestes ».

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