Plus d’équipes, plus d’avions : la Coupe du monde 2026 sera (encore) climaticide

La Coupe du monde au Qatar a rejeté dans l'atmosphère l'équivalent de 6 millions de tonnes de CO2, selon Greenly. Ici, lors de la victoire de l'Argentine fin 2022. - Twitter/Fifa World Cup
La Coupe du monde au Qatar a rejeté dans l'atmosphère l'équivalent de 6 millions de tonnes de CO2, selon Greenly. Ici, lors de la victoire de l'Argentine fin 2022. - Twitter/Fifa World Cup
Davantage de joueurs, d’avions, de supporters... La prochaine Coupe du monde de foot, organisée aux États-Unis, Canada et Mexique en 2026, sera un fiasco écologique. Pire que celle au Qatar, très contestée.
Après les stades climatisés, à usage unique, les « navettes » en avion et les ouvriers morts au Qatar, le foot-business prépare son nouveau « Mondial de la honte ». C’est désormais officiel : la Coupe du monde des hommes passera de 32 à 48 équipes à partir de l’édition 2026, avec des matchs éclatés entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.
Toujours plus de participants, et donc de rencontres, de billets à vendre et de matchs retransmis. Résultat, la Fifa (Fédération internationale de football association) — instance dirigeant le football mondial — va augmenter ses recettes... en méprisant une nouvelle fois la crise climatique.
« Le conseil de la Fifa a approuvé à l’unanimité l’amendement visant à s’accorder sur un format de 48 équipes réparties en douze groupes de quatre, et non plus en trois groupes de seize », a annoncé la fédération le 14 mars. En conséquence, 104 matchs seront disputés pendant la compétition, contre 64 au Qatar fin 2022. Elle durera également plus longtemps : 39 jours, et non 29.

Ce changement s’inscrit dans la continuité des évolutions de la compétition phare de la Fifa. La première Coupe du monde, disputée en 1930 en Uruguay, comptait treize participants. Son format n’a ensuite cessé de s’élargir. Depuis le Mondial de 1998 en France, la Coupe du monde comptait trente-deux équipes.
11 milliards de dollars de revenus
Par cette décision, la Fifa souhaite rendre sa Coupe du monde plus lucrative : sa rente principale, les droits télévisés, devrait ainsi enfler. C’était l’une des ambitions de son président, le sulfureux Gianni Infantino, ardent défenseur de la Coupe du monde au Qatar, réélu le 16 mars jusqu’en 2027. Le 16 décembre dernier, il déclarait que la Fifa visait 11 milliards de dollars de revenus pour le cycle 2022-2026 de Coupe du monde, contre 7,5 milliards de dollars lors de la précédente édition. « Ça prouve que le compas de la Fifa n’est ni la santé des joueurs — la compétition se déroulera en plein été — ni les enjeux écologiques », déplore le géopolitologue Jean-Baptiste Guégan.
« L’augmentation d’équipes et de matchs va accentuer les déplacements en avion des supporters et des équipes », dit Lukas Aubin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Une très mauvaise nouvelle, puisque le transport aérien est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre des compétitions sportives [1].

D’autant que l’attribution de la compétition au trio États-Unis, Canada, Mexique promettait déjà une explosion des distances de vols, certains stades étant éloignés de 4 000 kilomètres les uns des autres. « À titre de comparaison, les stades du Qatar étaient tous situés à proximité de Doha, dans un rayon de 60 kilomètres », observe Lukas Aubin. Même si, faute d’hébergements suffisants au Qatar, la majorité des spectateurs logeaient dans les États voisins, où la vie est moins chère. « On passe de la compétition la plus compacte géographiquement, à celle la plus étalée de l’histoire », constate Jean-Baptiste Guégan.
« Ces compétitions sont une gabegie
dans un monde au bord du gouffre »
Le Mondial 2026 devrait donc s’inscrire dans la lignée des précédents : toujours plus climaticides. Ainsi, tandis que la Fifa compte ses profits, les habitants d’une Terre déréglée subissent, eux, la crise écologique qu’elle entretient. La fédération a évalué les émissions du Mondial au Qatar à 3,6 millions de tonnes équivalent CO2, autant que les émissions de l’Islande et du Monténégro pendant un an. Elles seraient en réalité deux fois supérieures. Les précédentes éditions en Russie, au Brésil et en Afrique du Sud étaient déjà désastreuses, avec des émissions supérieures à 2 millions de tonnes équivalent CO2. [2]
Lire aussi : Mondial, JO, Tour de France… L’overdose de compétitions climaticides
« Ces compétitions sont une gabegie dans un monde au bord du gouffre, où la température moyenne en France pourrait être de 3,8 °C supérieure à celle du début du XXe siècle, déclarait en novembre dernier à Reporterre Jérôme Santolini, l’un des coordinateurs du collectif Scientifiques en rébellion. Nous sommes dans une zone de complète incertitude, si ce n’est que l’ampleur de la catastrophe dépendra de nos choix d’aujourd’hui. Les compétitions sportives ne peuvent pas s’extraire de l’équation. »
Visiblement, le vent de fronde suscité par la Coupe du monde au Qatar n’a pas suffi à provoquer un grand sursaut au sein de la Fifa, ni ne l’a encouragée à ralentir la cadence pour stopper le désastre écologique.