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Qui veut gagner des millions ? Vingt-deux ONG en lice pour le Z Event

Le Z Event à Montpellier, le 20 septembre 2019.

Chaque année, l’événement caritatif en ligne Z Event permet de récolter des millions d’euros. L’édition 2022 est placée sous le signe de l’écologie : mais à qui iront les fonds collectés ? 22 associations sont à départager.

Le nom parle surtout aux habitués d’internet. Chaque année, c’est l’un des événements les plus suivis sur le web : le Z Event. Depuis 2016, cet événement caritatif réunit des vidéastes qui « streament » (diffusent en direct) du contenu sur la plateforme Twitch, pendant une cinquantaine d’heures. Jeux vidéo, quizz, défis, karaokés... Outre le divertissement, les internautes y sont incités à faire des dons pour une organisation : l’Institut Pasteur en 2019, Amnesty International en 2020, Action contre la faim en 2021…

Et cette année, la nouvelle édition — qui se déroulera du 9 au 11 septembre — devrait être dédiée à « l’écologie ». « C’est pour nous le thème le plus important, a déclaré ZeratoR, vidéaste et coorganisateur de l’événement, lors d’une annonce diffusée le 4 juillet. On pense que c’est vraiment le thème sur lequel il faut le plus tirer la sonnette d’alarme. [...] On veut absolument mettre le projecteur là-dessus. »

Mais à qui reverser l’énorme somme d’argent récoltée (10 millions d’euros en 2021, un record) ? Il a d’abord été question de la fondation GoodPlanet. Celle-ci, créée en 2005 par le photographe Yann Arthus-Bertrand, se vante de sensibiliser le grand public à l’écologie, au sein d’un château en bordure de Paris, et de soutenir des « projets à la fois environnementaux et solidaires ». Pourtant, quelques minutes après l’annonce de ZeratoR, les internautes n’ont pas tardé à pointer du doigt les incohérences de la fondation.

Partenariats avec TotalÉnergies, liens avec BNP Paribas...

En premier lieu : sa gouvernance. Parmi les membres du conseil d’administration, on observe notamment la banque BNP Paribas, connue pour ses investissements dans les énergies fossiles. Curieux, donc, de la retrouver parmi les fondateurs d’une association promouvant l’écologie. D’autres personnalités figurent au conseil d’administration, comme Antoine Arnault (fils de Bernard Arnault, propriétaire de LVMH et troisième homme le plus riche au monde) ou encore des représentants de banques. Là encore, de quoi interroger les objectifs de l’association, quand on connaît la responsabilité de ces grands groupes dans le réchauffement climatique.

Et ce n’est pas tout. Parmi les autres critiques adressées à la fondation GoodPlanet, pêle-mêle : ses partenariats avec des entreprises comme TotalÉnergies, son aide à l’agriculture biodynamique (pratique héritée de l’anthroposophie, un mouvement philosophique et ésotérique fondé par Rudolf Steiner) ou encore le soutien de Yann Arthus-Bertrand à l’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar, un désastre humain et écologique.

Des centaines d’internautes ont donc dénoncé un « greenwashing » de la fondation, et ont interrogé les organisateurs sur les raisons d’un tel choix. Ces derniers sont d’abord restés vagues, arguant qu’ils avaient sélectionné une association ayant les moyens de gérer une grosse somme d’argent. Par ailleurs, plusieurs streamers présents au Z Event ont déjà été en lien avec GoodPlanet : le vidéaste Doigby avait par exemple animé, en novembre 2021, une émission en direct d’une dizaine d’heures au sein du domaine de la fondation, pour « mieux comprendre les enjeux liés à l’environnement » et récolter des fonds. En janvier 2022, le streamer Domingo avait publié une émission de cuisine tournée dans les locaux de GoodPlanet — émission financée par l’interprofession des produits laitiers.

Face au torrent de messages d’internautes, la fondation a réagi le 9 juillet sur Twitter, rappelant que « les enjeux environnementaux et le besoin urgent d’agir nous concernent tous, sans exception ». Mais « la manière d’y arriver ne fait pas consensus », a concédé Albane Godard, directrice générale de GoodPlanet. « C’est précisément pour ça que nous faisons le choix d’embarquer le maximum d’acteurs dans la transition écologique et solidaire. Pour ne pas rester entre convaincus, pour faire bouger les lignes, même là où elles semblent figées », a-t-elle poursuivi, avant d’annoncer le retrait de l’association du Z Event, estimant que les polémiques « desservaient la cause ».

Choisir entre 22 associations

Dans la foulée, ZeratoR a publié un communiqué. Coup de théâtre : les organisateurs proposent désormais une liste de 22 associations (œuvrant d’une manière ou d’une autre pour des enjeux environnementaux) et laissent les internautes choisir leurs cinq préférées. Celles ayant reçu le plus de votes d’ici le 13 juillet seront retenues et se partageront équitablement la somme récoltée en septembre.

Un choix qui se veut démocratique, même si les organisateurs n’ont pas pris le temps d’écrire une courte présentation en face de chaque association. Ainsi, c’est aux internautes d’aller chercher les informations sur les structures qu’ils ne connaissent pas. « Ne vous précipitez pas sur le sondage pour voter, a précisé ZeratoR dans un tweet. Vous avez 72 heures pour vous renseigner, poser des questions, consulter leur site, etc. »

Ils pourront donc choisir entre des associations, historiques ou plus petites, œuvrant pour la protection des océans (Bloom, Sea Shepherd, Surfrider…), pour la préservation de la faune sauvage (Aspas, WWF, Ligue pour la protection des oiseaux…) ou luttant contre les entreprises des énergies fossiles (Les Amis de la Terre).

Depuis cette annonce, chacune des 22 associations s’est lancée dans la course, à coups de tweets ou de mails incitant les internautes à voter pour elles. Seul Agir pour l’environnement a regretté cette « mise en concurrence ». « D’autant qu’un grand nombre d’associations qui ont maintes fois fait la démonstration de leur légitimité dans l’écosystème écologique n’ont pas été présélectionnées pour le vote », a déploré l’organisation dans un communiqué. Elle a appelé les 21 associations, si elles sont sélectionnées, à partager les sommes versées entre les ONG.

Le Z Event représente pour elles une opportunité immense pour récolter des fonds, mais aussi sensibiliser le grand public à la lutte contre le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Depuis 2016, l’événement a permis de recueillir plus de 21 millions d’euros, et est suivi par des centaines de milliers de personnes. En 2021, Emmanuel Macron s’était même fendu d’un tweet pour stimuler les streamers. Peut-être que cette année, l’initiative encouragera le président de la République à adopter des politiques plus ambitieuses — comme le recommande chaque année le Haut Conseil pour le climat.

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