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Transports

Trains, bus, métros : l’Allemagne teste les transports quasi gratuits

Gare centrale de Berlin, un train en direction de la commune Ahrensfelde.

L’Allemagne instaure un ticket unique à 9 euros par mois jusqu’au 31 août dans les transports en commun (sauf les trains grandes lignes). Cette mesure de soutien du pouvoir d’achat vise aussi à réduire l’usage de la voiture.

Berlin (Allemagne), correspondance

À la gare centrale de Berlin, il faut être distrait pour manquer l’information, imprimée sur de grandes affiches rouges. Partout en Allemagne, à partir du mercredi 1er juin, un ticket unique de 9 euros par mois permet d’emprunter n’importe quel train régional, sans limites. Et ce n’est pas tout : le ticket est également valable dans les métros, bus, tramways, ferrys. Toutes les compagnies de transports, publics et privées, participent à l’opération qui doit s’achever le 31 août. Seuls les trains grandes lignes en sont exclus.

« J’ai l’habitude de me promener le week-end dans la campagne autour de Berlin, ça me coûtera bien moins cher, se réjouit Markus, qui patiente sur le quai de son Regional Express. En plus, on a le droit d’emporter son vélo sans coût supplémentaire ! » Carina, étudiante, n’a même pas besoin d’acheter le ticket : son abonnement passe automatiquement à 9 euros mensuels et sa validité est étendue à tout le territoire.

« 9 euros, c’est ce qu’on paye normalement pour un ticket journée à Berlin », souligne Carina. Avec les vacances qui approchent, « ça va inciter à voyager, à découvrir le pays », affirme-t-elle. De son côté, Dirk est prêt à changer ses habitudes. « Avec ma femme, on a décidé de remplacer les trajets en voiture par le bus pendant ces trois mois, assure le retraité. Normalement, ça me reviendrait plus cher. Mais avec cette offre, c’est l’inverse. »

À peine démarrée, l’opération est un succès. Mardi, 7 millions de tickets avaient déjà été vendus, selon le ministre des Transports Volker Wissing. La fédération des sociétés de transports table sur 30 millions d’utilisateurs du ticket, sans compter les usagers abonnés. Dans les conversations, le sujet domine : « Tu as acheté ton ticket ? » « Où vas-tu aller ? » Les journaux allemands rivalisent de « destinations originales à découvrir avec le ticket à 9 euros », des îles de la Baltique aux sommets alpins.

Inflation, enjeu climatique

La création du ticket unique avait pourtant surpris tout le monde, fin mars, au lendemain d’une longue nuit de négociations gouvernementales dont l’Allemagne a le secret. Pour lutter contre une inflation galopante (+7,9 % en un an), les trois partis qui composent la coalition planchent alors sur un plan de soutien au pouvoir d’achat. Les sociaux démocrates du SPD et les libéraux démocrates du FDP tiennent à faire un geste pour les automobilistes, en baissant la taxe sur les carburants. Les écologistes, eux, refusent de valider une mesure qui encourage à prendre la voiture.

Un compromis est finalement trouvé avec l’instauration du ticket à 9 euros, financé à hauteur de 2,5 milliards d’euros par l’État fédéral. L’opération doit soutenir le pouvoir d’achat des Allemands sans voiture, et leur permettre de continuer à se déplacer, voire de partir en vacances cet été. La mesure est censée profiter aux classes populaires : outre-Rhin, 53 % des plus pauvres ne possèdent pas de voiture, contre 8 % des plus riches, selon l’Agence fédérale pour la formation civique (BPB).

Passagers à la gare centrale de Berlin, en 2006. Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Times

L’enjeu climatique est également présent : les Verts espèrent convaincre des automobilistes de passer aux transports en commun, alors que le pays peine à atteindre ses objectifs de réduction de CO2. L’opération est suivie de près par des chercheurs des universités de Munich, Kassel et Braunschweig. Les Allemands changeront-ils leur façon de se déplacer grâce à cette mesure ?

Andreas Knie, chercheur à l’Institut de recherche en sciences sociales de Berlin (WZB), est sceptique. « Je pense qu’à la fin, la plupart des gens se diront que la voiture, c’est quand même plus confortable, explique le scientifique. Parce qu’on subventionne énormément la voiture, et qu’on a quasiment “un droit” à se garer gratuitement dans l’espace public. »

Néanmoins, les transports en commun n’ont jamais été aussi présents dans le débat public outre-Rhin. Harmonisation des tarifs, réouverture de petites lignes, développement de « taxis publics collectifs » en milieu rural… la nécessité d’investir davantage fait désormais consensus. « C’est un énorme défi de gérer l’afflux de passagers, mais en même temps une chance unique », affirme Eva Kreienkamp, présidente du directoire de la société des transports berlinois (BVG). « C’est mon espoir secret : que les autorités fassent finalement plus que ce qui est prévu », confie Andreas Knie. À en croire les voyageurs interrogés en gare de Berlin, beaucoup partagent son avis.

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