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Transports

Comment se passer de la voiture ?

Michel et Hélène Jacquemin à bord d'un prototype de Véloto, le 19 février 2022 à Saint-Beauzély (Aveyron).

Ni vélos ni voitures, les « véhicules intermédiaires » prennent de l’ampleur. Certes, le marché reste confidentiel mais vélocargos, voiturettes ou tricycles électriques pourraient représenter l’avenir des transports quotidiens.

Ni vélo ni voiture. Il existe d’autres véhicules légers et sobres capables de proposer une alternative aux autos thermiques et électriques pour les trajets quotidiens. Si les vélos à assistance électrique (VAE) et les vélocargos sont désormais communs en milieu urbain, d’autres modes de transports encore confidentiels pourraient les rejoindre. Speed-pedelecs, vélomobiles, vélovoitures, microvoitures et voiturettes... sont prometteurs, alors que les ressources s’épuisent et que le prix des carburants augmente.

Chercheur sur la transition énergétique des transports, Aurélien Bigo l’assure : « Leur potentiel est énorme ! Les véhicules intermédiaires étendent le domaine de pertinence du vélo : transport des enfants, de charges, protection des intempéries... Ce sont des véhicules beaucoup plus sobres en matières, en espace et en énergie, disponibles là où la voiture est aujourd’hui utilisée. »

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 68 % des actifs se rendent seul et en voiture au travail. Or, « la distance moyenne domicile-travail en France est d’environ 15 kilomètres, la plupart de ces trajets sont tout à fait réalisables en véhicules intermédiaires, pointe Frédéric Héran, économiste des transports et urbaniste au Clerse, le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques. Une voiture, c’est 1,25 tonne pour transporter en moyenne 110 kilos de charges. Un ratio très médiocre ! Et c’est encore pire quand on prend en compte l’empreinte matière : pour fabriquer une voiture, on mobilise 7 à 10 tonnes de matériaux. »

Tour d’horizon des véhicules intermédiaire, en dix types :

Vélos à assistance électrique (VAE)

Leur assistance au pédalage jusqu’à 25 kilomètres par heure leur permet de doubler les distances parcourues à vélo et de faciliter les trajets dans les territoires à dénivelés. En 2021, les VAE représentaient 24,5 % des vélos vendus en France selon l’Observatoire du cycle, et pourraient dépasser 50 % en 2022. Leurs prix varient de 600 euros à plus de 2 000 euros selon les modèles.

Infirmière, elle se rend à son travail à l’hôpital de Millau (Aveyron) en vélo électrique, février 2022. © Pierre Morel

Vélocargo et vélos spéciaux

Rarissimes en France avant 2010, les vélocargos font désormais partie du paysage. Ils permettent de transporter jusqu’à 300 kg de charges et peuvent être munis d’une assistance au pédalage. Les modèles s’adressent autant aux familles qu’aux professionnels. Plombiers, électriciens et déménageurs enfourchent au quotidien leurs biclous spécialisés pour travailler, leurs outils à disposition dans leur coffre. Et les ventes s’envolent : 3 000 unités vendues en 2019, 11 000 en 2020, et 17 000 en 2021. Le prix de ces vélos s’échelonne de 2 000 euros pour le modèle de base, jusqu’à 9 500 euros pour le plus sophistiqué.

Diane et ses deux enfants à Paris. Les vélocargos s’adressent autant aux familles qu’aux professionnels. © Marion Esnault / Reporterre

Tricycles pour adultes et handicycles

« Certains véhicules, qui ne sont pas encore apparus en France, devraient s’imposer », promet Frédéric Héran. Tricycle et handicycle en font partie selon le chercheur. Ces modèles extrêmement stables permettent aux personnes souffrant de problèmes d’équilibre ou de handicaps de se déplacer de façon autonome et sécurisée. Un marché de niche en France, mais en pleine croissance aux Pays-Bas et en Allemagne. Les prix s’étalent de 300 à 900 euros pour les tricycles, et de 3 000 à 5 500 euros pour un handicycle électrique.

Groupement pour l’étude des transports urbains modernes

Vélos pliants

Pratique pour les adeptes de l’intermodalité, les vélos pliants gagnent du terrain sur les pistes cyclables et dans les transports en commun. Leur conception nécessite d’accorder prix, facilité de pliage, légèreté et résistance des matériaux. La gamme de modèles disponibles est vaste, ses prix vont de 200 à 2 000 euros. Les experts recommandent cependant d’y mettre le prix pour trouver un modèle intéressant.

Speed pedelec

Au premier coup d’œil, on pourrait les confondre avec des vélos électriques typiques. La différence se joue sur leur puissance. Ces « speed bikes » sont capables de rouler jusqu’à 45 km/h avec leur assistance électrique. Une vitesse idéale pour les trajets interurbains mais qui les classe dans la catégorie des cyclomoteurs et leur impose des plaques d’immatriculation, un rétroviseur, le permis AM [1] et le port du casque. L’usage des pistes cyclables leur est interdit. Frédéric Héran observe : « Ce n’est pas du tout recommandé en ville de rouler aussi vite et ce serait dangereux. Mais en montagne ou à la campagne, cette solution est intéressante. Elle est déjà en plein essor en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Belgique. » Il faut compter entre 3 000 à 8 000 euros selon les modèles.

Ce speedelec peut rouler jusqu’à 45 km/heure (et peut bénéficier d’une double batterie). Moustachesbike

Vélomobiles

Légalement des vélos, plus proches de la voiture, les vélomobiles sont des véhicules couchés et carénés. Le cycliste, protégé des intempéries, pédale en position allongée avec force et confort. Pour la même énergie dépensée que sur un vélo classique, ces vélomobiles vont deux fois plus vite. Néanmoins, Frédéric Héran reste prudent : « Ils sont bas sur la route et peu pratiques pour des usagers lambda. Ils sont plutôt faits pour la vitesse ou les loisirs que des déplacements utilitaires. » Les prix s’étendent de 2 500 à 10 000 euros.

Lire aussi : VIDÉO - Voyage à bord d’un vélomobile, alternative à la voiture

Vélovoitures

Trois ou quatre roues, un habitacle généralement fermé, de une à trois places et des pédales. Le vélovoiture dispose d’une assistance électrique au pédalage qui peut aller de 25 à 45 km/h selon les modèles. « Ils pourraient remplacer une voiture pour les trajets domicile-travail de 20 à 30 kilomètres, dit Frédéric Héran. On est aujourd’hui dans une phase d’élaboration de nouveaux modèles. » Ces véhicules coûtent entre 6 000 et 9 000 euros.

Michel et Hélène Jacquemin et un prototype de Véloto, en février 2022 à Saint-Beauzély (Aveyron). © Pierre Morel

Deux-roues, tricycles et quadricycles motorisés

Semblables à des motos, ces deux-roues, tricycles ou quadricycles motorisés peuvent bénéficier d’un toit ou d’un habitacle protégé. Ces véhicules peuvent rouler jusqu’à 90, voire 130 km/h, et certains d’entre eux sont électriques. Mais leur vitesse et leur faible protection laissent les experts dubitatifs quant à leur essor. « En France, 20 à 25 % des morts sur la route sont des usagers de deux-roues motorisés », rappelle Frédéric Héran. Il faut compter entre 6 000 à 15 000 euros pour les modèles dotés d’un habitacle.

Microvoitures

Aussi légères que confidentielles, les microvoitures ont l’allure de quads urbains électriques. Dépourvues de pédaliers, elles disposent d’une à deux places et d’une toiture. Elles sont limitées à une puissance de 4 kilowatts, et pèsent généralement moins de 100 kg. Elles coûtent entre 9 000 et 13 000 euros.

Voiturettes

Elles sont apparues un matin devant les lycées privés huppés, et font désormais un tabac chez les adolescents fortunés. Ces voitures sans permis sont limitées à 425 kg, roulent jusqu’à 45 km/h et tendent à devenir électriques. Leur marché est en plein essor : 16 000 modèles ont été vendus en 2021, notamment la Citroën AMI au prix compétitif de 7 000 euros contre 11 000 à 15 000 euros pour ses concurrents.

Une voiturette électrique au Mondial de l’auto de 2022 : 2,44 mètres de long, 1,5 mètre de large, 500 kilogrammes avec la batterie. © Scandola Graziani / Reporterre

L’essor « dépendra des soutiens apportés par les politiques publiques »

L’essor des véhicules intermédiaires est freiné par l’hégémonie du modèle automobile : la dépendance profonde de la société à la voiture individuelle, le poids des représentations sociales et la puissance des logiques de production. « C’est tout un ensemble qu’il faut faire évoluer par une approche systémique, en commençant par la publicité. Les constructeurs automobiles consacrent 10 % de la valeur de la voiture dans la publicité, voire 15 % pour les SUV. Tant que l’imaginaire sera verrouillé, on ne pourra pas avancer, appuie Frédéric Héran, pour qui l’exemple doit venir des politiques. Si nos dirigeants continuent à faire tous leurs déplacements en voiture, c’est impossible. Aux Pays-Bas, les deux tiers des députés viennent en vélo au Parlement. »

Développement massif ou marché de niche, « tout dépendra des soutiens apportés par les politiques publiques pour aider la filière à passer à l’échelle industrielle, de l’engouement du public, et des contraintes globales comme le prix des carburants », prévoit Aurélien Bigo. Reste selon le chercheur au grand public de tester ces véhicules pour s’en faire sa propre impression : « Il faut une opportunité pour tester, et se rendre compte qu’il y a un côté ludique, presque défouloir, avec une coupure domicile-travail intéressante. Que les gens puissent décider : est-ce qu’il y a un plaisir à utiliser ces véhicules ? »

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