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L’invraisemblable attaque de Max Haavelar contre Christian Jacquiau

Christian Jacquiau dévoile les dessous du commerce équitable. Ce qui déplait à l’association Max Haavelar, qui l’attaque en justice à partir d’une interview bidonnée.


Les journalistes connaissent bien la dix-septième chambre du tribunal de Paris. Elle se consacre, en effet, aux affaires de diffamation. En général, ce type de procès oppose un plaignant (telle présentatrice télé photographiée à son insu en bikini ; tel personnage politique violemment brocardé et qui se sent « atteint dans son honneur » ou encore une éphémère starlette de télé réalité qui cherche à glaner quelques milliers d’euros en prévision de jours sombres) à un organe de presse juridiquement incarné par son directeur de la publication. A ce titre, l’audience du lundi 17 mai opposant l’association de commerce équitable Max Havelaar à l’écrivain journaliste Christian Jacquiau fait figure d’exception.

Lors d’une interview accordée au mensuel L’Echo des Savanes en 2008 (N° 269), Jacquiau explique que selon lui, Max Havelaar « ne s’adresse qu’aux producteurs, mais ignore les salariés de ces producteurs. Ils font travailler des quasi esclaves sur les sites de production, parfois des femmes aux corps rongés par les produits chimiques ». Face à des propos d’une telle virulence, Max Havelaar s’empresse de porter l’affaire en justice et réclame 100 000€ de dommages et intérêts…mais directement contre Jacquiau et non contre l’Echo des Savanes.

Or, d’une part Jacquiau affirme n’avoir jamais proféré de telles critiques à l’encontre de l’association, ni même de phrases synonymes. Il explique s’être fait duper par le journaliste qui l’a interrogé, un certain Daniel Audion, qui en fait n’existe pas (il s’agit de Fred Neidhardt, un ancien pigiste de l’Echo des Savanes qui s’illustre surtout dans des canulars et autres impostures sur les plateaux télé). « Mon client n’aurait sans doute pas donné cette interview s’il avait connu la véritable identité de celui qui l’interrogeait », explique son avocat Maître Alexis Guedj.

De son côté, l’éditeur actuel du titre, Claude Maggiori, semble plutôt se désolidariser de ses prédécesseurs : « Les propos on été visiblement mal restranscrits. Chez Glénat, personne ne s’est penché sur la question. Je ne peux même pas dire que Jérome Bonnet ait fait une bêtise, je n’en sais rien. »

Mais surtout, il est rarissime de voir dans ce type d’affaires le plaignant s’en prendre directement à une personne civile et non au journal, support des propos incriminés. « Cela survient parfois et cela n’a rien d’illégal. Mais il s’agit le plus souvent de règlements de comptes personnels », confie un magistrat. Certes, dans son livre ainsi qu’au cours des nombreuses interviews qu’il a donné, Jacquiau s’est toujours montré dubitatif quant aux vertus du commerce équitable en général et de Max Havelaar en particulier. Mais jusqu’à présent, il n’avait jamais été question de diffamation. Du reste, pour sa défense, Christian Jacquiau explique que depuis qu’il enquête et s’exprime sur le commerce équitable, pas une ligne en dehors de la « retranscription » de son interview dans l’Echo des Savanes ne fait état d’accusations d’esclavagisme. « Si j’avais effectivement dit ou pensé cela, ce serait de la diffamation », clame-t-il. Du coup, l’écrivain poursuit Glénat, la société éditrice de l’Echo des Savanes, à laquelle il reproche d’avoir publié une interview « bidonnée ». L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 21 juin.


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