Tribune —
Grand Paris, 4/20
Cher M. Borloo, chère Mme Jouanno,
J’ai le regret de vous informer du mauvais comportement de votre petit Nicolas en classe d’environnement. Même si ce garçon recouvre ses insuffisances d’un incontestable bagout, ses devoirs manifestent un manque d’intérêt réel pour la matière que nous essayons de lui enseigner avec une ténacité impavide.
J’ai encore dû noter sévèrement son exposé du 29 avril. Nicolas avait choisi de traiter du Grand Paris. Il s’agissait de définir l’avenir de l’agglomération parisienne.
Je passerai sur l’aspect ampoulé de sa péroraison : de s’être fait rabrouer en classe de français pour s’être moqué d’une oeuvre qu’il ignorait, La Princesse de Clèves, le pousse à parsemer ses propos de mots à majuscule (« le Vrai, le Beau, le Grand... Il manque le Juste ») aussi naturels qu’une brosse à dents chez une poule pondeuse. Quant aux lieux communs, je crains en les citant de vous procurer un sentiment de honte. Tenez : « La ville est faite pour l’Homme [avec majuscule !] et non l’Homme pour la ville. »
Molière en rit encore.
Mais l’essentiel est ailleurs.
Confondant « développement durable » et « croissance durable », énumérant une litanie de « défi de l’après-Kyoto », « corridors naturels », « trames vertes », « agriculture de proximité », votre petit a tenté de donner une coloration écologique à son propos. Mais tout son exposé conduisait en fait à couvrir de constructions les espaces vides de l’Ile-de-France. Il ne pense qu’à s’affranchir des règles édictées pour réfréner l’avidité spéculative et protéger l’environnement. Ainsi affirme-t-il tout de go que « le problème, c’est la réglementation » et propose de manière parfaitement irresponsable de « rendre constructibles les zones inondables » ou d’« utiliser les interstices » - qui sont souvent des zones de protection sonore ou végétale.
L’élève ouvre aussi la porte aux « partenariats public-privé » dont l’expérience montre qu’ils prospèrent au détriment de l’intérêt commun - mais favorisent de juteux bénéfices, bien privés, eux.
Le plus inquiétant est que le garçon n’a tenu aucun compte des travaux de ses camarades : dans de précédents exposés, ceux-ci avaient mis au point le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), qui a su allier de manière plus innovante les exigences de logement social, de maintien des terres agricoles et de transport. Ce SDRIF, au nom certes barbare, a été élaboré dans une réelle concertation entre de multiples instances. Or que prétend Nicolas ? Balayer cela et voter une loi d’urgence pour accélérer une infrastructure de transport décidé par lui seul. Auraient ensuite lieu des « états généraux », supposés entériner ce qui aura été imposé ! Votre protégé, chers M. Borloo et Mme Jouanno, fait bon compte de la démocratie.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir chapitrer le petit Nicolas afin qu’il s’amende.
Signé : Blork, du Collège Magnifique.