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Tribune

Rationnés et heureux


Un mot scandaleux : le rationnement. « Distribuer de façon limitée, mettre à la ration, restreindre la quantité. » Quoi ? Nous rationner ? Horreur, atteinte à la liberté ! Non, toujours plus, toujours mieux, plus, plus, plus, on veut plus !

Les seuls à ne pas s’effrayer du concept sont les écologistes, enfin, ceux qui ne sont pas totalement grenellisés. Et dans la revue Silence de ce mois-ci, on lira un fort intéressant dossier sur le rationnement, réalisé par deux chercheurs des universités Lille-II et Paris-I, Luc Semal et Mathilde Szuba.

Ils ont exploré une contrée exotique, située outre-Manche, et dénommée Grande-Bretagne. Des groupes y réfléchissent aux conséquences logiques que l’on peut tirer de l’analyse du changement climatique et du pic pétrolier. Prévenir l’aggravation du changement climatique implique de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre. Quant au pic pétrolier, il annonce la fin de l’énergie abondante à bon marché. Conclusion : « Une distribution rationnée de l’énergie semble la seule solution pour qu’une pénurie importante n’entraîne pas automatiquement une explosion des prix et des inégalités sociales. »

Ils joignent le geste à la parole, et plusieurs tentent de vivre en n’étant pas responsables de plus de 1,5 tonne de gaz carbonique par personne et par an - environ cinq fois moins que la moyenne européenne. Les objecteurs de croissance britanniques notent bien que, si l’on n’entre pas dans une logique de rationnement choisi, l’ajustement se fera de manière foncièrement inégale, par l’inflation.

On peut aller plus loin. La crise économique qui se développe en raison de l’endettement financier, mais aussi écologique, est l’expression du heurt avec les limites.

A son corps défendant, le peuple grec l’expérimente de la manière la plus absurde : les « marchés » leur imposent un rationnement violent, des « marchés » qui parasitent l’économie sans se poser une seule seconde la question de leur propre rationnement. En fait, l’épisode montre, s’il en était encore besoin, qu’il n’est ni possible ni acceptable de proposer une logique de limitation si, dans le même temps, on ne reprend pas le contrôle sur les puissances financières, tout en posant des limites aux possibilités d’enrichissement personnel.

A cet égard, la proposition d’un revenu maximal admissible par le pôle écologique du Parti socialiste va dans le bon sens : le rationnement des riches est indispensable. On pourra leur offrir Vers la sobriété heureuse, de Pierre Rabhi (Actes Sud, 144 p., 15 euros), ça leur mettra du baume au coeur.

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Références :

-  Silence : http://www.revuesilence.net/index.p...

-  RMA et Pôle écologique du PS : http://www.monpoleecologique.fr/con...


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