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Édito

EDITO - 49-3 : une nouvelle bérézina pour les députés écologistes

En pliant à l’Assemblée devant un gouvernement qui impose une loi contraire à l’environnement, les députés écologistes perdent un peu plus de leur crédibilité dans l’opinion.

La vie politique est décidément cruelle pour les écologistes. Sortis du gouvernement il y a moins d’un an, les voilà de nouveau en flagrant délit de schizophrénie. En cause cette fois, la loi Macron. Alors que le projet de loi discuté à l’Assemblée nationale intègre subrepticement plusieurs régressions écologiques, ils s’apprêtent néanmoins à la laisser passer telle quelle, validant ainsi le coup de force du Premier Ministre.

Car Manuel Valls a imposé hier à l’Assemblée nationale l’adoption du texte par le recours à l’article 49-3 de la Constitution, qui ne laisse d’autre choix aux députés que de tout accepter ou de renverser le gouvernement par la voie d’une motion de censure. « Aveu de faiblesse, déni de démocratie, arme anti-parlement d’une Ve République à bout de souffle » répliquait ainsi Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV (Europe Ecologie Les Verts), sur Twitter hier après-midi.

Pourtant, les députés écologistes ne voteront pas jeudi la motion de censure déposée par l’UMP et l’UDI. Il paraît même absurde de leur poser la question : « Evidemment, je voterai contre, et les députés écologistes voteront contre » tranche ainsi Denis Baupin.

L’argument avancé est connu : on ne mélange pas ses voix avec la droite. « Pas la peine de tourner autour du pot, aucun d’entre nous n’a envie de faire tomber ce gouvernement car si la droite revenait au pouvoir, ce serait encore pire. Il n’est pas question de voter la motion de censure présentée par la droite. Que le gouvernement engage sa responsabilité, c’est la règle du jeu, c’est de bonne guerre… » explique sans broncher Noël Mamère au micro de BFM TV, lui qui a quitté EELV il y a plus d’un an.

Alors, certes, s’allier à la droite n’est pas dans l’ADN des écologistes français. Qui peuvent certes trouver de bonnes raisons de la critiquer, comme l’ont fait dans un communiqué les co-présidents EELV à l’Assemblée nationale : « Il suffit de voir l’attitude de la droite sénatoriale en ce moment même dans le débat sur la loi de transition énergétique pour constater que l’écologie n’a rien à attendre de la droite ».

Pour autant, les députés du Front de gauche, guère plus suspects d’alliance avec la droite, ont décidé de voter la motion de censure. Et si EELV ne veut pas mêler ses voix à celle de l’UMP, ce qui est bien compréhensible, pourquoi ne pas rédiger en coopération avec le Front de gauche et avec les PS frondeurs, une motion, comme l’a suggéré Jean-Luc Mélenchon sur France Info ce mercredi matin ? Ensemble, il est possible d’atteindre les 10 % de députés nécessaires pour pouvoir déposer une motion.

Alors, qu’est-ce qui inspire ce nouveau grand écart au parti écologiste : la peur de sortir définitivement d’une majorité factice ? La peur de la défaite aux élections qu’entraînerait l’adoption de la motion de censure ?

Mais il faut aller plus loin. N’est-ce pas justement ce genre de contradiction qui alimente la défaite des écologistes sur le terrain politique ? Est-il pertinent d’entretenir un clivage gauche-droite rendu caduc par la politique menée actuellement par le Parti socialiste, qui participe de la progression du Front National dans les urnes ? N’est-ce pas en faisant le jeu du traditionnel bipolarisme que l’écologie perd sa crédibilité de constituer une alternative, concrète et indépendante ?

A trop défendre le jeu depuis l’intérieur des institutions, les écologistes perdent leur cohérence dans la société. C’est pourtant les renoncements en politique qui alimentent la défiance des concitoyens à l’égard de leurs représentants et le glissement d’une partie d’entre eux vers l’extrême-droite. Pour le coup, les écologistes perdent trois fois : acceptant la loi Macron qui fait reculer la protection de l’environnement, ils admettent l’utilisation du 49-3 qu’ils jugent anti-démocratique. Et ils se décrédibilisent aux yeux de l’opinion – et des écologistes de terrain.

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