Le jour où les parkings deviennent des jardins

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Des transats, un terrain de pétanque ou un atelier de peinture… sur une place de parking ! Ce vendredi 19 septembre, la ville se met au vert, pour la nouvelle édition du Parking Day.
Ils se sont installés dans la soirée ou dans la nuit. Armés de gazon ou de craies colorées, ils ont transformé une place de stationnement. Ce matin, certains automobilistes râlent. Ils ne peuvent plus se garer. Pendant une journée, le citoyen reprend ses droits sur les voitures. La ville vit autrement.

« L’idée, c’est de se réapproprier l’espace urbain », dit Diane Melul-Richon. Avec des habitants et des commerçants de la rue Saint-Denis, à Paris, elle installe du gazon et des chaises pliantes le long des trottoirs. Pour Sophie Fleckenstein, de France Nature Environnement, la cité d’aujourd’hui est « réservée, centrée, aménagée pour les voitures. » Il faut donc « replacer l’être humain au centre de la ville. »
« Ce sont devenues des dortoirs et des bureaux, mais plus des lieux où l’on se rencontre », ajoute Cécilia Guérin. À Montpellier, cette jeune entrepreneuse organise un atelier de décoration de galets. Habitants, associations, entreprises, chacun peut profiter de cette journée pour transformer une place de stationnement en espace végétalisé, convivial ou artistique.
Le Parking Day est né en 2005 dans les rues de San Francisco. Trois paysagistes et architectes se réunissent sur un parc (ou park). Objectif : montrer que la ville peut être autre chose qu’un lieu figé.
« C’est aussi un moyen décalé d’aller à la rencontre des gens », dit Jeanne Gueye, du réseau Newmanity, qui propose toute la journée des massages près du canal Saint-Martin (Paris). Le concept rencontre vite un enthousiasme citoyen. Près de quinze ans plus tard, le Parking Day se tient dans 180 villes à travers le monde.

Contre la voiture ?
Occuper autrement la ville, sans pour autant éradiquer la voiture. « Nous voulons promouvoir d’autres formes de mobilité, mettre le piéton à l’honneur, mais nous ne sommes pas anti voiture », dit Gaëlle Marchand, de l’association Dédale qui coordonne l’événement en France. D’ailleurs, la plupart des participants payent l’emplacement. « Nous pensons juste qu’il faut partager l’espace urbain, pour que la ville soit à nouveau ouverte à tous, ouverte sur le vivre ensemble. »
Pourquoi se concentrer sur les places de stationnement ? « Elles symbolisent la privatisation de l’espace public pour un usage personnel, imposé et unique. C’est une aberration ! »
« Bien sûr, il ne faut pas pointer du doigt les automobilistes, précise Sophie Fleckenstein. Mais il s’agit de questionner notre modèle de mobilité, où prédomine la « voiture solo », et qui a de nombreux impacts environnementaux, économiques, sociaux et sanitaires. »
Prendre le volant pour se rendre au travail, faire ses courses, emmener les enfants. Un modèle bien ancré dans notre quotidien, et qui n’est pas évident à renverser. « On va certainement se faire injurier par des automobilistes » reconnaît Cécilia Guérin. Elle occupe des places situées juste devant un bureau de Poste. « C’est le jeu. Nous voulons interpeller les gens. »

Un événement politique
Paola Cosi anime un atelier de tricot urbain, pour agrémenter les bancs et les poteaux de pompons colorés ou d’écharpes en laine. Elle a découvert l’événement l’an dernier. « J’ai appris que de nombreux parkings souterrains sont à moitié vides ! » Choquée, elle a décidé à son tour de sensibiliser les passants, « mais tout en restant ludique ».
Car si l’événement prend souvent des allures de fête et de vacances, il n’en reste pas moins politique. « C’est un manifeste contre la stérilisation de l’espace urbain », précise Gaëlle Marchand. « Une sorte de guérilla urbaine. » Sous le gazon, les revendications. Elle travaille au sein de l’association Dédale auprès des collectivités et de la Commission européenne pour repenser la ville. « Partout en Europe, les citoyens réclament plus d’espaces de rencontre et de partage. » Des espaces pour l’instant confinés dans les jardins et les parcs.
Les pouvoirs publics regardent généralement cette manifestation éphémère avec un œil bienveillant. « C’est rare que les policiers nous virent, souvent les mairies nous laissent faire », dit Gaëlle Marchand. Mais une fois les transats repliés, que reste-t-il ? « Nous préparons un livre vert pour montrer comment on peut mettre de l’art, de la nature et de la convivialité en ville. »
Dans le même sens, France Nature Environnement vient de publier un guide numérique sur « la juste place de la voiture dans la mobilité de demain. »

À destination entre autres des élus, le rapport préconise une évolution vers un « modèle de ville compacte, mixte, multipolaire et structurée par des transports publics performants ». Pour Sophie Fleckenstein, « le Parking day, c’est une autre façon de dire aux élus et aux citoyens, une autre ville est possible. »
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