Négociations climatiques : il va falloir passer la seconde !

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Climat : de COP en COPPour la dernière fois avant la COP 21, les 195 États négociateurs se sont réunis pour avancer au maximum vers un accord ambitieux pour le climat. Las, le texte adopté reste très flou et les discussions sur le fond n’ont toujours pas commencé.
Les 195 États-parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique étaient réunis à Bonn, en Allemagne, du 19 au 23 octobre. Objectif : avancer un maximum dans les négociations avant la COP 21, qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre, à Paris. Cette grande conférence climat doit aboutir à la signature d’un accord universel visant à contenir le changement climatique sous la barre des 2 °C.

Après cinq jour de négociations, ils ont finalement adopté un projet d’accord de 55 pages. « La crise a été évitée, apprécie Alix Mazounie, du Réseau action climat (RAC) France. Il faut dire que le Mexique est sur le point d’être frappé par l’ouragan Patricia de catégorie 5. Le président de la délégation mexicaine était au bord des larmes lors de la plénière de clôture. Le début de semaine a également été marqué par le passage du typhon Koppu aux Philippines. Ces phénomènes climatiques extrêmes ont mis la pression aux négociateurs. »
Les États ont pratiqué des « insertions chirurgicales »
La route a été longue avant d’en arriver là. Le 4 septembre dernier, à l’issue de cinq jours de négociations à Bonn, les 195 États avaient rendu un projet d’accord de 83 pages – bien trop long et fourre-tout pour être un outil de discussion efficace. Les deux coprésidents des négociations climatiques, Ahmed Djoghlaf et Daniel Reifsnyder, mandatés par les délégations, avaient donc toiletté le texte jusqu’à ce qu’il ne fasse plus que 20 pages.
Dès sa publication début octobre, le texte proposé par les coprésidents avait été vivement critiqué par les ONG pour son manque d’ambition. « Comment prétendre s’attaquer aux vrais moteurs du réchauffement de la planète avec un accord qui ne fera aucune référence aux énergies fossiles, dont la combustion représente 80 % des émissions de gaz à effet de serre ? Un accord qui n’évoquera pas les énergies renouvelables, qui nécessiteraient pourtant de puissants mécanismes de transferts financiers et technologiques internationaux ? » s’est interrogé Attac, dans un communiqué.

Lundi 19 octobre, à l’ouverture des discussions, la négociatrice française Laurence Tubiana a également dénoncé un texte qui manquait « d’ambition sur tous les points ». Le G77 + Chine, qui regroupe 134 pays en développement et émergents, a accusé le texte d’être « extrêmement déséquilibré » et de ne pas tenir compte de leurs propositions (appelées « options » dans le jargon onusien). Ulcérée, la déléguée sud-africaine, Nozipho Mxakato-Diseko, porte-parole du groupe, est allée jusqu’à accuser les coprésidents d’avoir rétabli « l’apartheid ».
Finalement, les coprésidents ont accepté que les États pratiquent des « insertions chirurgicales » dans le texte, en y réintégrant les propositions qui leur tenaient à cœur. « Toutes les idées ont donc été remises dans le texte, mais plus claires et mieux organisées qu’après la session de Bonn de septembre », résume Alix Mazounie.
Les meilleures propositions côtoient les pires
Le problème, c’est que ce nouveau texte ne permet pas d’avoir une idée précise de ce que contiendra l’accord de Paris. Les meilleures propositions côtoient les pires. « Par exemple, sur la mise en place d’un mécanisme de pertes et dommages qui permettrait d’indemniser les pays en développement victimes de catastrophes climatiques, les options sont extrêmement différentes, observe Alix Mazounie. La première définit précisément un mécanisme très ambitieux. La deuxième propose carrément de supprimer le mécanisme de l’accord. » Ce texte a donc le potentiel d’un accord ambitieux... ou catastrophique.
Plus grave, les États n’ont pas encore commencé à négocier sur le fond, c’est-à-dire à choisir quelles options seront maintenues dans l’accord final.
Or, d’importants points d’achoppement subsistent :
- Les financements climat : en 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et à s’adapter aux conséquences du changement climatique (sécheresses, inondation, montée du niveau des mers, etc.). Les pays en développement n’ont pas l’intention de signer un accord contraignant sur le climat si les pays développés ne présentent pas de garanties solides qu’ils honoreront cet engagement. Mais « le groupe “parapluie” (Australie, Canada, Japon, Nouvelle-Zélande et États-Unis) refuse d’intégrer tout engagement financier chiffré au projet d’accord », déplore Alix Mazounie.
- Un objectif de long terme : les pays insulaires, très menacés par la montée du niveau des mers, plaident pour que le réchauffement climatique soit contenu sous la barre de 1,5 °C d’ici à la fin du siècle. Mais d’autres Etats refusent tout objectif précis et préfèrent des formulations plus floues (« neutralité carbone » sans date butoir, par exemple).
- La révision à la hausse des contributions nationales des États : à ce jour, 154 pays ont présenté leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 ou à 2030. Ces engagements couvrent 90 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais ils ne sont pas suffisamment ambitieux pour contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C. La trajectoire qui se dessine est plutôt une hausse des températures entre 2,7 et 3,4 °C, d’après une étude de Climate Action Tracker. Un mécanisme de révision à la hausse des objectifs des contributions nationales serait donc nécessaire. Pourtant, cette idée ne fait pas l’unanimité : certains États refusent qu’un tel dispositif soit obligatoire.
Un gros travail reste à faire. « Ces négociations n’auront pas lieu avant la COP 21, indique Alix Mazounie. Heureusement, il reste quelques rendez-vous politiques importants d’ici là. En particulier, la pré-COP, qui se déroulera du 8 au 10 novembre et rassemblera entre 80 et 100 ministres. Et bien sûr, l’ouverture de la conférence climat le 30 novembre, où les chefs d’État ont la possibilité d’annoncer de nouveaux engagements financiers et ainsi envoyer un signal fort en faveur d’un accord ambitieux. »