Trains : la Provence veut passer à la grande vitesse

Gare de Nice-Ville. - Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/David McKelvey
Gare de Nice-Ville. - Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/David McKelvey
La ligne Nice-Marseille en trains à grande vitesse a été actée le 28 février, avec la signature d’un protocole de financement. Dénoncé par des collectifs locaux, ce projet prévoit la création d’un immense tunnel sous Marseille et une forte pollution.
Dans sa volonté de relancer le TGV, le gouvernement Macron avance à toute allure. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), le dossier de la ligne de train à grande vitesse (LGV) entre Nice et Marseille, en passant par Toulon, se concrétise. Le lundi 28 février, Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué chargé des Transports, a signé un protocole de financement avec la SNCF et les collectivités territoriales.
La liaison Nice-Marseille en TGV existe déjà, mais elle se fait à l’allure d’un simple TER en raison d’infrastructures inadaptées aux vitesses élevées. D’où ce projet de nouvelle ligne Provence Côte d’Azur, censé « permettre d’améliorer la régularité des trains et d’en augmenter l’offre pour l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur », a justifié dans un communiqué le ministère de la Transition écologique.
Les phases 1 et 2 du projet, « dont le montant total s’élève à 3,5 milliards d’euros [1] » selon le ministère, comprennent la création d’une gare TER / TGV à proximité de l’aéroport de Nice, d’un réseau express métropolitain autour de Toulon, ou encore de grands travaux à la gare de Marseille Saint-Charles qui impliquent la création d’un tunnel sous la ville. Ces travaux devraient commencer en 2024 et pourraient durer jusqu’en 2035. Ils sont préalables aux phases 3 et 4, qui correspondent grosso modo aux rails du futur TGV, lesquelles ne font pas l’objet du présent protocole de financement.
En vue de la réalisation des deux premières phases, une enquête d’utilité publique a été réalisée et s’est terminée lundi 28 février, jour de la signature de Jean-Baptiste Djebbari. L’occasion pour certains usagers, dont Reporterre a pu consulter les contributions, de manifester leur envie de pouvoir bénéficier d’une offre ferroviaire plus importante et plus rapide, dans une région où les trains sont très souvent en retard. D’autres ont exprimé leur désarroi face aux coûts écologiques de ce projet.
Trou béant à Marseille
Pour plusieurs organisations écologistes comme le collectif Stop LGV Sud Sainte Baume, ce projet ne répond pas, en effet, « à l’urgence de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre » et ne peut donc être considéré comme d’utilité publique. « Le tunnel sous Marseille, qui devrait faire plus de 8 km, nécessite l’extraction de 1,8 million de mètres cubes de déblais pour un coût carbone de 860 000 tonnes de CO2 », dénonce auprès de Reporterre Didier Cade, président du collectif, qui cite l’avis de l’autorité environnementale. Selon SNCF Réseau, ces émissions seront compensées d’ici 2050, « sauf que ces chiffres ne tiennent pas compte du déplacement total jusqu’à la mise en carrière en camions, qui représentent des centaines de milliers de tonnes de CO2 supplémentaires », poursuit Didier Cade.

Les phases 3 et 4, qui ne sont pas encore prévues, promettent « des conséquences encore pires, avec 10 km de tunnels avec les mêmes effets, plus le passage en zone karstique [où prédominent des roches sédimentaires sensibles], qui pourrait entraîner des pollutions et dévier des sources et des rivières souterraines ». Sans compter les nuisances sonores et les risques d’inondation, en particulier autour de la gare TER de Cannes, que l’avis de l’autorité environnementale juge minimisés. « Ces phases ont beau ne pas être enclenchées, l’État et la Région insistent bien sur la globalité du projet, dit Didier Cade. Pour le stopper, il faut donc agir dès maintenant. »
25 milliards d’euros pour « des trains de riches »
La Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur répond à l’ambition assumée au plus haut niveau de l’État, comme l’expliquait Reporterre en septembre 2021. Alors que le TGV fêtait ses 40 ans, Emmanuel Macron avait annoncé la relance de lignes à grande vitesse, un virage à 180° par rapport aux trois premières années de son mandat, au cours desquelles il avait exigé l’arrêt des chantiers. Il prévoyait alors d’investir 6,5 milliards d’euros et d’ouvrir six nouvelles liaisons : Bordeaux-Toulouse, Marseille-Nice, Montpellier-Perpignan, Paris-Normandie, Roissy-Picardie et la ligne très décriée du Lyon-Turin. « Pour l’instant, on a encore du mal à savoir si c’est un effet d’annonce électoral ou une tendance de fond », disait alors à Reporterre Anne Lassman-Trappier, de France Nature Environnement (FNE).
Depuis, ces différents projets ont pris corps. Outre le Marseille-Nice, le financement de la LGV Bordeaux-Toulouse a été officiellement bouclé. Idem pour la nouvelle ligne ferroviaire entre Montpellier et Perpignan, dont le protocole de financement a également été signé. La liaison TGV Roissy-Picardie a été déclarée d’utilité publique, tandis que le chantier titanesque du Lyon-Turin est déjà bien entamé.
« Dans son intégralité, la ligne Marseille-Nice coûterait au minimum 25 milliards d’euros : tout cet argent consacré à faire aboutir ces trains de riches, qui permettent d’aller toujours plus vite et plus loin, c’est autant de moins pour relancer les trains du quotidien qui permettent à tout le monde de se déplacer », déplore Didier Cade. « C’est un coup d’accélérateur que je revendique », déclarait le Premier ministre Jean Castex sur France Bleu Provence, le 28 décembre dernier, alors qu’il confirmait l’ouverture de l’enquête d’utilité publique de la ligne. « Nous avons trouvé un accord politique pour rendre irréversible ce projet », ajoutait-il. Les opposants, eux, n’entendent pas se laisser faire. Ils prévoient de déposer un recours auprès du Conseil d’État.