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À la rencontre des exilé.e.s débarqué.e.s à Paris

Cette année, la revue « Z » a largué l’amarre du côté de la porte de la Chapelle, à Paris, et enquêté dans et autour du nouveau « centre humanitaire », destiné in fine à trier les milliers d’exilé.es débarqués dans la ville.


  • Présentation de la revue par son éditeur :

Cette année, nous avons largué l’amarre du côté de la porte de la Chapelle, à Paris, enquêté dans et autour du nouveau « centre humanitaire », destiné in fine à trier les milliers d’exilé.es débarqués dans la ville.

Ce centre est une pièce maîtresse de la gestion sociale des « migrants », devenus massivement l’un des publics cibles du travail social. En complément de ce dossier inédit, une sélection de textes issus du Z numéro 5, rapidement épuisé après sa parution, qui prenait déjà Paris comme terrain d’enquête et le travail social comme fil rouge.

Depuis une maraude parisienne ou une équipe de réduction des risques, la parole est donnée aux « usager.es », les gens de la rue ou les résidentes d’un foyer d’hébergement.

Édito

Pour avoir accordé quelques sous à six d’entre nous pendant un ou deux ans, le dispositif des contrats aidés figure en bonne place parmi les nombreux bricolages qui ont permis à Z d’exister jusqu’ici. Contrairement à des centaines d’associations, leur gel brutal décidé à l’été 2017 ne nous met pas immédiatement en danger : nous n’en avions déjà plus. Emmanuel Macron remarque que les contrats aidés n’amènent pas toujours leurs bénéficiaires à sortir durablement du chômage. Il a raison. Pour nous, les contrats aidés sont une astuce parmi d’autres afin de rester durablement hors du travail comme lieu d’exploitation et d’activités trop souvent nuisibles. C’est bien pour cela qu’il veut les supprimer définitivement.

L’heure est à l’attaque des derniers pans de la société qui échappent à l’ordre marchand. Votre association est vraiment utile ? Faites-en une micro-entreprise ou une start-up ! Si la Société a besoin de quelque chose, l’État lancera un appel d’offres. C’est ce qu’il a fait en septembre 2016 alors que la police ne parvenait pas à empêcher durablement des milliers d’exilé.es de camper en plein Paris : il s’agissait de créer au plus vite un dispositif d’hébergement de 5.000 places où demandeur.ses d’asile patienteraient avant d’être, dans nombre de cas, « reconduit.es » hors de France. Les grandes associations ont tiqué, dénonçant conjointement la logique de contrôle (assignation à résidence des exilé.es) et la mise en concurrence des structures. Mais il s’en est trouvé une pour accepter : Adoma, ex-Sonacotra, héritière de la société coloniale des logements de travailleurs algériens en France.

Ce qu’on appelle aujourd’hui « travail social » est l’héritier de traditions politiques antagonistes : la philanthropie patronale, le modèle asilaire, les workhouses ou les hospices — charité bien ordonnée et maintien de l’ordre social ; les mutuelles, caisses de secours, puis le mouvement associatif et l’éducation populaire, qui tendent parfois à la mobilisation révolutionnaire des plus démuni.es ; enfin, le modèle étatisé constitué après guerre, oscillant entre redistribution et contrôle social, aujourd’hui aspiré par les forces du marché. Autant de clivages qui traversent celles et ceux qui assurent ce « travail social ». Faut-il refuser de remplir ce tableau chiffré de résultats, au risque de perdre notre agrément CAF ? Que répondre à la fondation Vinci qui s’intéresse subitement à notre potager et offre un nouveau camion ? Faut-il accepter d’organiser l’accueil d’exilé.es dans les conditions scandaleuses fixées par l’État, pour tenter de les rendre moins pires au quotidien ?

En 2011, Z avait rencontré celles et ceux qui se posent ce type de questions, depuis une maraude parisienne ou une équipe de réduction des risques. Donné aussi la parole aux « usager.es », les gens de la rue ou les résidentes d’un foyer d’hébergement. Depuis, les exilé.es ont été constitué.es comme le grand « public » actuel du travail social, et, à l’été 2017, Z est retourné dans Paris décrypter la politique de non-accueil à la française. Dans les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile comme dans le centre « humanitaire » de La Chapelle, se pose à nouveaux frais la question lancée en 1974 par des travailleurs sociaux en lutte : « Qui servons-nous ? »

  • Paris - Travail social, revue Z, no 11, automne 2017.

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