Après l’avoir espionné, EDF attaque Greenpeace au portefeuille
EDF réclame 500 000 euros à Greenpeace : des militants de celle-ci s’étaient enchaînés à la porte du chantier de l’EPR de Flamanville en 2007.
Demain, mardi 9 juin, comparaîtront à 14h au tribunal de Cherbourg 14 militants de Greenpeace. Le 26 avril 2007, entre les deux tours de l’élection présidentielle, ils s’étaient enchaînés quelques heures devant le portail d’entrée du chantier de l’EPR à Flamanville afin de protester contre la signature en catimini de son décret d’autorisation quelques jours plus tôt. La demande de compensation financière d’EDF, 500 000 euros, une somme inédite pour ce genre de procès, témoigne de la volonté manifeste de l’opérateur public d’électricité de criminaliser ses opposants et de les attaquer sur leurs points faibles : l’argent.
Engluée dans une affaire lamentable d’espionnage à l’encontre de Greenpeace, EDF s’illustre une nouvelle fois par des méthodes d’intimidation peu reluisantes. Le nucléaire s’accomode décidemment très mal de la démocratie et de la transparence. Par cette action, en 2007, Greenpeace n’a pourtant fait que réagir face à un déni de démocratie, jouer son rôle de lanceur d’alerte et entrouvrir la porte lourdement scellée du débat sur la place du nucléaire en France.
Rappelons qu’en réaction à la mobilisation des militants, Segolène Royal s’était engagée à annuler ce décret si elle était élue. Auparavant, parmi les candidats à l’élection présidentielle interpellés par Greenpeace, José Bové, Dominique Voynet, Olivier Besancenot, François Bayrou, et Philippe de Villiers avaient aussi remis en cause le projet d’EPR et réclamé un vrai débat démocratique sur la question.
« Deux ans plus tard, la situation n’a guère changé !, explique Frédéric Marillier, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace. Le président de la république a décidé seul de la construction d’un 2e EPR et le gouvernement est en train d’avaliser une programmation pluriannuelle en matière énergétique prise en dépit du bon sens. Le débat attendu par tous n’a toujours pas eu lieu. Plus que jamais, les intérêts d’EDF et d’Areva guident ceux du pays ! »
Une troublante coïncidence
C’est plus de deux ans après les faits, un délai très long pour ce type d’affaire, que se tient l’audience à Cherbourg... La même après-midi sont aussi convoqués 4 militants du Ganva pour une action de dénonciation de ce même décret. Au même moment, le Parlement vient d’être saisi de la programmation pluriannuelle des investissements en matière énergétique (PPI) qui entérine la volonté de Nicolas Sarkozy de lancer un deuxième réacteur EPR à Penly. EDF et les pouvoirs publics s’y prendraient-ils autrement pour lancer un sérieux avertissement à leurs opposants ?
Des infractions infondées
Aucune des trois infractions reprochées aux militants n’est clairement établie. Il n’y a pas eu de violation de domicile au préjudice d’EDF puisque les militants étaient stationnés à l’entrée du chantier. Quant à l’entrave à la liberté du travail, ou encore l’opposition à l’éxécution de travaux publics, elles sont aussi hors propos : les travailleurs du chantier sont passés par une autre entrée et ont pu continuer à travailler. La demande de compensation est donc complètement disproportionnée pour une manifestation qui n’a duré que quelques heures.
« L’accusation d’entrave à la liberté du travail, délit syndical bien connu, est ridicule ! il n’y a jamais eu une telle volonté des militants de Greenpeace ! s’indigne Alexandre Faro, avocat de Greenpeace. Faire condamner financièrement ses détracteurs semble être le dernier recours d’EDF. »