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Biodiversité : les candidats s’en contrefichent

L’offre politique en matière de biodiversité se limite à une juxtaposition d’objectifs calibrés pour ne fâcher personne


Les enjeux écologiques, sociaux et économiques liés à la préservation de la biodiversité conditionnent largement l’avenir de nos sociétés. Ils doivent occuper la place légitime qui leur revient dans les programmes des candidats aux élections présidentielles de 2012. C’est pourquoi Humanité et Biodiversité a diffusé aux candidats le 22 novembre 2011 un questionnaire afin de recueillir et évaluer leurs propositions sur la prise en considération de la biodiversité dans leur programme. L’évaluation des réponses repose sur trois critères principaux : l’ambition, le réalisme et la technicité.

Déception sur les trois critères d’évaluation

Si les réponses témoignent d’une connaissance du sujet en progrès, cela ne suffit pas à construire des réponses à la hauteur des enjeux.

L’ambition des candidats est timide, ils éprouvent de réelles difficultés à se projeter dans l’avenir. Et la mise en œuvre des propositions manque quant à elle de réalisme et de technicité : les prises de position des acteurs économiques et sociaux sont rarement prises en compte, le rôle des collectivités n’est presque jamais abordé, les candidats restent globalement très flous sur la façon dont ils envisagent concrètement d’atteindre leurs objectifs, ils ne se saisissent pas de l’expérience acquise dans la mise en œuvre des politiques nationales, de celles des collectivités territoriales ou encore d’acteurs privés.

« Les propositions restent trop générales, peu précises, et les méthodes pour les mettre en œuvre sont globalement absentes. Pourtant on attend de candidats à la Présidence de la République qu’ils proposent des politiques », regrette Christophe Aubel, Directeur d’Humanité et Biodiversité qui poursuit : « l’offre politique en matière de biodiversité semble se limiter à une juxtaposition d’objectifs divers – et calibrés pour ne fâcher personne- avec peu de méthodologie opérationnelle  ».

Quatre thématiques saillantes illustrent cette prise en charge insuffisante de la biodiversité

Ce constat se retrouve dans l’évaluation de thématiques considérées comme clés pour l’association. Par exemple, alors qu’Humanité et Biodiversité attendait un fort niveau de propositions dans le domaine de la fiscalité et du financement des politiques, aucun candidat ne prend d’engagement pour la première loi de finance de son quinquennat, il est pourtant urgent d’agir. Par exemple en matière de subventions néfastes ou de fond dédié à des actions de préservation.

Concernant l’aménagement du territoire, la mise en œuvre concrète des propositions soumises n’est pas ou peu précisée. La réflexion sur des évolutions fortes du code de l’urbanisme est insuffisante, et aucun candidat ne souhaite faire de la trame verte et bleue LE modèle des « grands travaux » du XXIe siècle pour construire l’aménagement durable des territoires tout en développant de l’emploi et du lien social autour de la nature.

Très inquiétant, le sujet de la gouvernance nationale de la biodiversité ! Aucun candidat ne fait de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) une politique majeure du prochain gouvernement, alors qu’elle doit permettre à la France de tenir ses engagements internationaux. Aucune proposition forte n’est avancée sur le rôle et les compétences des collectivités territoriales en matière de biodiversité, et la question de l’évaluation des politiques n’est pas traitée.

La question de la chasse illustre parfaitement l’insuffisance des réponses, les vrais sujets sont évités, la plupart des candidats ne souhaitant pas faire fuir « le chasseur électeur », par exemple en matière de partage de l’espace ou de chasse d’espèces en danger. La même prudence vaut pour les questions liées aux espèces et aux aires protégées.

Un constat sévère

« Le sujet n’est pas suffisamment pris en charge. Tant qu’il n’y aura pas de vrai engagement de la part d’un chef de l’Etat, nous continuerons à être confrontés à des mesures cosmétiques. La biodiversité est une opportunité pour construire le monde du XXIe siècle. Les candidats passent à côté de l’essentiel », regrette Hubert Reeves, Président d’Humanité et Biodiversité, qui ajoute : « Humanité et Biodiversité va poursuivre le dialogue avec les candidats, il reste encore du temps pour qu’ils approfondissent leurs propositions ! ».


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