Bouygues a dissimulé des accidents du travail sur le chantier EPR de Flamanville
L’Autorité de sûreté nucléaire pointe 38 accidents non déclarés sur les 112 qu’a connus le chantier de Flamanville en 2010, révèle L’Humanité. Deux ouvriers sont décédés par accident du travail le 24 janvier et le 11 juin. Le Parquet a ouvert une enquête.
Le procureur de la République de Cherbourg a confirmé vendredi 24 juin l’existence du PV émanant de l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN), qui dénonçe une « démarche intentionnelle » de non-déclaration d’accidents du travail sur le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche). « J’ai effectivement eu ce procès-verbal, je vous le confirme », a déclaré à l’AFP le procureur Eric Bouillard.
Dans ce PV daté du 6 juin, révélé par L’Humanité, le gendarme du nucléaire recense 112 accidents de travail survenus en 2010 sur le chantier de l’EPR, dont 38 accidents « à déclarer n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration ». Le procureur de Cherbourg également précisé « avoir été saisi il y a quelques jours » par l’ASN de ce problème de sous-déclaration des accidents de travail sur l’EPR. « L’enquête est en cours à ce sujet », a-t-il dit, indiquant espérer pouvoir faire très prochainement une communication à ce sujet.
En avril, l’ASN avait indiqué enquêter sur une sous-déclaration des accidents du travail sur le chantier, qui pourrait être de l’ordre d’un accident sur quatre.
« Démarche intentionnelle et répétée »
L’ASN met en avant la responsabilité des employeurs, dont Bouygues qui pilote le génie civil sur le chantier et Elco Construct. « Dans plusieurs cas (au moins 11 exemples pour le groupe Bouygues et huit pour Elco), ces employeurs étaient informés de l’accident. Ceux-ci avaient par ailleurs connaissance de l’obligation réglementaire de déclarer tout accident du travail », écrit l’ASN.
« Le fait que cette démarche ait été intentionnelle et se soit répétée, alors même que ces sociétés avaient pleinement connaissance de l’obligation de déclarer tout accident démontre l’intention d’éluder l’information de l’inspecteur du travail et donc de détourner la surveillance » de celui-ci, poursuit l’ASN qui relève de nombreuses infractions.
Les peines encourues sont 42 amendes de quatrième classe, soit 31.500 euros, et un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende pour le délit d’obstacle aux missions de l’inspecteur du travail.
Deux morts sur le chantier
En avril, Bouygues s’était défendu en affirmant que les non-déclarations d’accident « n’(étaient) pas le fait de l’entreprise mais (relèvaient) d’initiatives personnelles ».
Un salarié de 32 ans est décédé le 11 juin sur le chantier de l’EPR. Après la mort, le 24 janvier, d’un autre salarié de 37 ans, une enquête de flagrance pour « homicide involontaire » avait été ouverte par le procureur de Cherbourg.
Le réacteur nucléaire de troisième génération EPR de Flamanville est l’un des tout premiers en construction dans le monde et fait figure de vitrine pour un réacteur que la France veut exporter, mais le chantier accuse un retard d’au moins deux ans.