Climat : les scientifiques s’alarment, les politiques piétinent

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Climat : de COP en COPDu 8 au 10 novembre, les représentants de 70 pays se sont réunis à Paris pour préparer le terrain avant la COP 21. Pour Laurent Fabius, cette « pré-COP » a permis quelques avancées – mais rien de précis, malheureusement. Alors que de nojuvelles études scientifiques font état d’une menace climatique grandissante.
« Un compromis est à notre portée. » C’est par ces paroles que le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a clôturé la pré-COP, mardi 10 novembre à midi, devant un parterre de journalistes. Des propos encourageants à moins de trois semaines du coup d’envoi de la COP 21, qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre à Paris. Ce sommet devrait aboutir à l’adoption d’un accord entre les 195 États participants. Objectif : contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.
Dans l’espoir de donner une impulsion politique à ce processus onusien laborieux, les représentants de 70 pays, parmi lesquels une soixantaine de ministres, étaient réunis du 8 au 10 novembre au centre de conférences du ministère des Affaires étrangères, dans le XVe arrondissement de Paris. Leur objectif n’était pas de retravailler directement le projet d’accord de 55 pages issu de la dernière session de négociations à Bonn, qui présente encore de nombreuses propositions contradictoires, mais de trouver des compromis sur des pierres d’achoppement récurrents. Par exemple, l’aide financière aux pays en développement, ou la mise en place d’un mécanisme de révision des ambitions nationales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Quatre groupes de travail
Pour ce faire, après s’être réunis en session plénière dimanche 8 novembre, les représentants des pays se sont répartis en quatre groupes de travail thématiques :
⁃ Niveau d’ambition de l’accord, c’est-à-dire l’objectif de long terme à intégrer à l’accord ;
⁃ Équité entre les pays, dans le respect du principe de « responsabilité commune mais différenciée » cher aux pays en développement. D’après ce principe, les pays développés, responsables historiques du changement climatique du fait de leur industrialisation précoce, doivent fournir davantage d’efforts de réduction des émissions que les pays en développement, et aider ces dernier à s’adapter aux impacts du changement climatique (sécheresses, inondations, phénomènes météorologiques extrêmes comme les typhons, etc.) ;
⁃ Actions de lutte contre le changement climatique à mener avant l’entrée en vigueur de l’accord en 2020 ;
⁃ Financements à apporter aux pays en développement après 2020.

D’après Laurent Fabius, cette pré-COP a permis des avancées sur plusieurs points :
⁃ L’idée qu’un bilan des engagements des Etats devrait être réalisé tous les cinq ans, « bilan permettant de formuler des propositions nationales à la hausse ». Ceci, espère le ministre des Affaires étrangères, devrait permettre de réduire l’écart entre la trajectoire de réchauffement de 3°C à la fin du siècle que dessinent les contributions nationales actuelles, et un objectif de 2 voire 1,5°C. Rien de nouveau cependant, dans la mesure où cette idée d’un mécanisme de révision des engagements nationaux a été évoquée à plusieurs reprises et affirmée dans la déclaration France-Chine sur le climat ;
⁃ Le principe de « no back tracking » (retour en arrière), selon lequel les Etats ne pourront pas revoir à la baisse le niveau d’ambition de leurs engagements ;
⁃ La formulation d’un objectif de long terme « opérationnel » aux dires du ministres, « low emission climate resilient pathway » (« trajectoire d’émissions basses adaptées au climat ») en complément de l’objectif des 2°C à la fin du siècle. Un objectif flou, bien loin de trajectoires précises comme 100 % d’énergies renouvelables en 2050 défendues par la société civile ;
⁃ En matière de financements post-2020, « il nous a semblé que l’idée d’un plancher [à l’aide financière accordée aux pays en développement] était acceptée », a prudemment avancé le ministre. Aucune annonce précise n’a été communiquée.
- Ecoutez Laurent Fabius :
117 chefs d’Etat et de gouvernement présents le 30 novembre
Laurent Fabius s’est également félicité que 117 chefs d’Etats et de gouvernement ont répondu positivement à son invitation de donner le coup d’envoi de la COP 21 le 30 novembre. Il a salué les contributions nationales de l’Arabie Saoudite, du Soudan et de l’Egypte, rendues publiques les 10 et 11 novembre. « Face à la menace, nous avons une obligation absolue de succès à Paris », a-t-il rappelé.
En effet, la publication de plusieurs études scientifiques pendant la pré-COP a fait monter la pression d’un cran chez les négociateurs. Dimanche 8 novembre, un rapport de la Banque mondiale établissait à 100 millions le nombre de personnes supplémentaires vivant dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030, si aucune action n’est prise pour limiter l’impact du changement climatique.
400 millions de personnes sous l’eau si la température augmente de 3°C
Lundi 9 novembre, une étude de l’institut Climate Central indiquait qu’un réchauffement de 2°C aurait pour conséquence une hausse de 4,7 mètres du niveau des océans, impactant des zones abritant actuellement 280 millions de personnes. Un réchauffement de 3 °C, trajectoire dans laquelle nous placent les contributions nationales actuelles, et ce sont 400 millions de personnes qui seraient impactées par une hausse de 6,4 mètres du niveau des mers. De grandes villes comme Shangai, Bombay et Hongkong seraient vouées, à long terme, à partiellement disparaître sous les eaux.
Le même jour, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publiait son rapport annuel selon lequel le niveau de concentration moyenne de dioxyde de carbone (CO2) a atteint un nouveau record en 2014 (397,7 parties par million). De nouveaux records ont aussi été relevés pour le méthane et le protoxyde d’azote. « Cela signifie des températures globales plus élevées, plus de phénomènes météorologiques extrêmes telles que des vagues de chaleur, des inondations, la fonte des glaces et l’élévation du niveau des océans et de leur acidité, a prévenu l’organisation. Nous avançons en territoire inconnu et la machine s’emballe à un rythme effrayant. »