Tribune —
De la truffe à la Chine

Mme Bricq va-t-elle changer la donne en matière de fiscalité écologique et de taxe carbone européenne ?
Tout prédestinait Nicole Bricq à devenir ministre de l’écologie. N’est-elle pas membre au Sénat du groupe d’étude de la trufficulture ? Or qu’y a-t-il de plus écologique que la truffe ? D’ailleurs, Jean-Vincent Placé, sénateur Europe Ecologie-Les Verts, est membre, lui aussi, de ce groupe truffophile. Mme Bricq est donc une écologiste.
Le sophisme, bien sûr, est outré. Car même si elle s’est beaucoup investie dans le dossier du gaz de schiste et a signé la motion « Pour un socialisme écologique » au congrès de Reims du Parti socialiste en 2008, on connaît surtout la sénatrice de Seine-et-Marne pour son travail assidu depuis des années sur les finances, le budget, l’évasion des capitaux. Nicole Bricq était la première étonnée, d’ailleurs, d’être nommée ministre à l’écologie. « J’étais peut-être programmée pour autre chose », avoue-t-elle au Monde.
Mais si les voies du destin sont impénétrables, la conjonction des hasards peut conduire à des cohérences inattendues. En juin 1998, celle qui était alors députée avait rédigé un rapport sur la fiscalité écologique. Un sujet qu’elle a suivi récemment au Sénat, lors des débats sur la taxe carbone en 2009 ou sur la taxe poids lourds en 2011. Elle a aussi lu attentivement le rapport du Centre d’analyse stratégique, remis au gouvernement en octobre 2011, sur « les aides publiques dommageables à la biodiversité ».
Si la ministre semble peu familière des papillons et des libellules, on peut penser que ses compétences de fiscaliste pourraient être précieuses, si elle en a la volonté, pour réorienter un système économique aujourd’hui organisé pour détruire la nature.
Mais il y a plus. On n’a pas assez remarqué que le treizième des soixante engagements du candidat Hollande était de « fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale. Une contribution climat-énergie aux frontières de l’Europe viendra compléter cette stratégie ». L’enjeu ? La protection face au dumping environnemental de la Chine ou d’autres pays.
Dès jeudi 17 mai, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a suggéré sur France 2 la relance de cette proposition au niveau européen. L’évolution économique fait que, brocardée par nos voisins en 2010, la proposition est beaucoup mieux acceptée aujourd’hui. Si François Hollande tient son engagement, le talent de sa ministre écolo-fiscaliste sera crucial. Et la surprise de sa nomination prendra son sens.