Tribune —
Démocratie
Bravo, donc, au peuple tunisien ! Qui nous incite à réfléchir sur l’état de la démocratie de ce côté-ci de la Méditerranée. Non pas qu’y règnent ouvertement la « kleptocratie » et la « sécuritocratie » dont les Tunisiens viennent de se libérer, on l’espère durablement. Mais enfin... il faut vraiment être membre du club Le Siècle pour penser que la démocratie se porte bien en France et en Europe. De nombreux signes attestent que l’idéal inscrit dans la Constitution française d’une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » est mis à mal.
Les écologistes sont depuis l’origine animés par le souci démocratique, c’est-à-dire par la conviction que la libre délibération et la volonté populaire sont les meilleurs moyens de parvenir à une décision collective bénéfique à tous : dans la lutte fondatrice à propos de l’énergie nucléaire, un des premiers motifs de contestation était - et reste - la mise en cause d’un savoir des experts posé comme indiscutable. Non, disent les écologistes, comme ils le répètent à propos des OGM, des nanotechnologies, des technologies de l’information, les experts - d’ailleurs souvent liés à des intérêts financiers - ne peuvent pas énoncer seuls les conditions d’utilisation des nouvelles techniques. Celles-ci doivent être réellement discutées par la société, et dans toutes leurs dimensions que ne résume pas la nouveauté technologique.
L’Europe a été l’échelon politique auquel les écologistes ont su et pu, le plus tôt, parvenir à influencer l’orientation des politiques publiques. Avec un succès mitigé, et d’autant plus que l’Europe elle-même est associée à une dérive de la démocratie : l’adoption du traité de Lisbonne, malgré le rejet par les peuples français, néerlandais et irlandais du traité constitutionnel, en a été la manifestation la plus flagrante. Par une ironie de l’histoire, une disposition de ce traité introduit une procédure nouvelle, que les écologistes s’apprêtent à saisir, par exemple pour contrer la politique pro-OGM de la Commission européenne : « l’initiative citoyenne européenne ». Un million d’Européens, signant un même texte, pourront induire la Commission à le traduire en loi. Le 15 décembre 2010, le Parlement de Strasbourg a adopté le règlement permettant ces pétitions, qui aideront à revitaliser la démocratie. Sur la question des OGM, mais aussi sur celle des produits et services anthroposophiques, plus d’un million de signatures ont déjà été réunies. Il reste aux Etats, dont la France, à préciser les modalités de mise en oeuvre pour que le dispositif soit opérationnel en 2012. En bonne démocratie, il serait bon que cette « précision » ne traîne pas.