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En France, la firme Arkema a émis quatre fois plus d’un tueur d’ozone que ce qui est autorisé pour toute l’Europe

A Lacq, la compagnie Arkema émet des quantités massives de tetrachlorure de carbone, un des pires poisons de la couche d’ozone. L’Etat laisse faire, alors que se tient à Bangkok la conférence des Nations unies sur l’ozone.


La zone industrielle de Lacq est une zone qui se situe dans les Pyrénées Atlantiques entre Pau et Bayonne, à vingt kilomètres d’Orthez. Son activité a commencé dans les années 1960 avec l’exploitation d’un gisement de gaz.

Cela a créé des emplois, redynamisé, comme l’on dit ici, un territoire, mais a créé tout un lot de pollutions dont, même aujourd’hui, on ne parle pas. Rien ne se dit, rien ne se sait ou si peu.

Actuellement, un des plus gros problèmes environnementaux qui se posent sur le complexe de Lacq est celui du CCl4 ou tétrachlorure de carbone.

CCl4 : trois lettres et un chiffre pour désigner un composé chimique chloré.
C’est une substance qui est règlementée de par ses effets sur la couche d’ozone et de par ses risques sanitaires, (le CCl4 étant classé CMR 2 potentiellement cancérogène, mutagène et reprotoxique).

Situé dans la zone industrielle de Lacq, Arkema de Mont fabrique des matières plastiques. Elle comprend plusieurs unités, dont l’unité Lactame, qui fabrique du Lauryl lactame, et utilise le CCl4 comme solvant. L’administration écrit qu’« il n’existe pas d’autres installations utilisant ce type de procédé dans le monde ».

Depuis 2010, la Commission européenne alloue annuellement à Arkema Mont un quota de consommation et un quota d’émission de CCl4 dont nous ne connaissons pas la teneur, puisqu’ils sont définis dans une note confidentielle.

Mais nous savons que le protocole de Montréal alloue à l’ensemble de l’Union Européenne un niveau maximal d’émissions de CCl4 égal à 17 tonnes.

Nous savons également que l’arrêté préfectoral du 5 novembre 2010 autorise Arkema Mont à émettre 0,876 tonne par an dans l’hypothèse d’un fonctionnement continu sur l’année.

En 2011 des dysfonctionnements techniques ont conduit à des rejets très importants et de façon intermittente de CCl4 dans l’atmosphère. Les chiffres ne nous ont été révélés en juillet 2013, soit deux ans après les faits.

Un document préfectoral (CODERST) nous révèle que ce sont 118 tonnes qui ont été rejetés sur le seul site d’Arkema à Mont ! Nous sommes loin des 17 tonnes allouées à l’Union Européenne pour l’ensemble de son territoire.

L’"arrêté préfectoral fixant des prescriptions additionnelles à la société Arkema" indique ainsi :

98 tonnes, chiffre auquel il faut ajouter, indique le « Rapport au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques » du 3 juillet 2013, vingt tonnes d’émissions diffuses, soit un total de 118 tonnes :

Après plusieurs échanges entre l’administration et l’exploitant, le programme d’actions proposé permet seulement d’envisager de limiter les émissions annuelles à treize tonnes par an, soit 76 % du quota autorisé pour toute l’Union européenne. L’entreprise ne pourrait pas faire mieux.

Le 12 août 2013, un nouvel arrêté préfectoral a fixé au 31 décembre prochain la mise en œuvre de mesures visant à réduire les émissions de CCl4 par Arkema Mont et prévoit l’abrogation des valeurs limites de rejets pour les COV R40 (dont fait partie le CCl4) auxquelles était soumis l’exploitant.

Le comble étant qu’entre l’arrêté de 2010 et celui d’août 2013, on passe de 0,8 tonne à une annulation pure et simple de toute valeur de rejet de CCl4 dans l’atmosphère ! Il s’agit en fait de déréglementation.

A moins d’une révision des quotas par l’Europe, à moins d’une acceptation par les autres pays membres d’autoriser la France à émettre dans l’atmosphère treize tonnes par an de CCl4 pour la seule entreprise d’ARKEMA Mont sur dix-sept tonnes autorisées pour l’ensemble de l’Europe, on Il voit mal comment se sortir de cette problématique et du risque de contentieux européen.

A l’heure où l’on sait que la reconversion écologique, y compris pour l’industrie chimique est une nécessité, on nous dit que la remise en question de ce procédé industriel vieux de cinquante ans et ayant de tels impacts environnementaux est inenvisageable.

Tout cela nous laisse dubitatifs.

Et intervient alors que se tient à Bangkok, jusqu’au 25 octobre, la conférence des Nations unies sur le protocole de Montréal sur les substances affectant la couche d’ozone. Un protocole que la France, du fait du comportement d’Arkema, a gravement enfreint en 2011.


Compléments d’information :

-  Arrêté préfectoral fixant des prescriptions additionnelles à la société Arkema :

-  Rapport au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques :

La zone industrielle de Lacq, où se trouve l’usine d’Arkema -

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