GDF Suez, Shell et Samsung championnes 2014 du « greenwashing »

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Il était une fois un Pinocchio, tout de vert vêtu. « Écolo, moi, bien sûr ! », répétait-il à longueur de temps. Mais chaque fois, son nez s’allongeait et son teint d’émeraude éclatant virait au rouge.
Eux n’ont pas l’excuse d’être né marionnette, et pourtant... Shell, Samsung et GDF-Suez sont les lauréats des Prix Pinocchio décernés le 18 novembre.
Depuis 2005, les Prix Pinocchio épinglent les entreprises qui ne respectent ni l’environnement, ni les travailleurs... mais qui font tout comme. « On met en lumière le décalage entre les actes et les discours », explique Juliette Renaud, des Amis de la Terre. L’ONG est à l’origine de ce Prix, mais ce sont les citoyens qui votent. Et ils sont de plus en plus nombreux : 61 000 cette année. « C’est le signe d’une indignation croissante des citoyens face aux abus des multinationales. »
La fracture (hydraulique) est trop chère
Le prix « Une pour tous, tout pour moi », décerné « à l’entreprise ayant mené la politique la plus agressive en terme d’appropriation, de surexploitation ou de destruction des ressources naturelles », revient à Shell. La marque au coquillage continue de forer tous les recoins du globe en quête de gaz de schiste. Un appétit féroce, surtout pour les sous-sols argentins et ukrainiens.

- Shell fore à tout va et à tout prix ! Puits non conventionnel Shell à Aguila Mora en Patagonie (Argentine) -
Les Amis de la Terre pointent « l’absence de consultation des populations, des puits dans une aire naturelle protégée et sur des terres agricoles, une opacité financière ». Pourtant, sur son site, la compagnie pétrolière néerlandaise met en avant le développement durable. « Afin de réduire l’impact environnemental et social de nos activités, nous nous efforçons de protéger la santé et la sécurité de nos collaborateurs et de nos voisins, de minimiser les perturbations au sein de la communauté, de diminuer nos émissions, de réduire notre impact sur la biodiversité et d’utiliser moins d’énergie, d’eau et aux ressources naturelles. »
Il persiste et signe

L’histoire n’est pas nouvelle, et c’est bien ça le problème. Depuis 2012, Samsung est régulièrement mis en cause par des enquêtes menées dans ses usines chinoises. Le portrait n’est pas flatteur. Salaires de misère, jusqu’à seize heures de travail par jour, risques pour la santé... et présence de mineurs. Samsung réplique que ses propres investigations n’ont rien donné d’alarmant. Dans un rapport publié en juin, intitulé Harmonie globale, le géant coréen explique avoir vérifié les conditions de travail chez 200 de ses fournisseurs et n’avoir détecté « aucun cas de travail d’enfants ».

- Ouvriers de l’usine HEG Electronics, travaillant pour Samsung (Chine) -
Pas plus tard que cet été, le leader des smart phones a rajouté une couche : « Nous défendons une tolérance zéro à l’égard du travail des enfants ». « Mais comment se fier à des enquêtes menées par Samsung elle-même ? », s’interroge Juliette Renaud. Apparemment, les internautes n’ont pas été convaincu par la défense de l’industriel.
GDF-Suez loupe sa mue écolo
Au printemps dernier, l’entreprise annonçait en grandes pompes l’émission de « green bonds », des obligations vertes vendues en bourse pour financer les énergies propres. Résultat de l’opération : 2,5 milliards d’euros, du jamais vu sur le marché des green bounds. Problème, GDF-Suez se fait désormais beaucoup plus discrète quant au devenir de ces investissements. Dans un courriel, elle évoque « des projets pour lutter contre le changement climatique ». « Il y a un vrai manque de transparence, dénonce Juliette Renaud. Où sont allés ces milliards d’euros ? En plus, GDF continue de financer des énergies fossiles. »

La compagnie, très présente aussi dans le nucléaire notamment en Belgique, a répondu par un communiqué au prix qui lui a été décerné. Elle indique à Reporterre : "GDF SUEZ s’engage dans la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. C’est à ce titre que nous avons décidé d’émettre ce green bond destiné à financer des projets consacrés à l’atteinte de ces deux objectifs. Cette émission a été développée avec l’agence de notation extra financière Vigéo qui garantit la transparence du processus notamment sur les critères d’éligibilité des projets (publiées sur le site GDF SUEZ). Elle a reçu un excellent accueil de la communauté des investisseurs socialement responsables."
L’arnaque du "socialement responsable"
Les Prix Pinocchio montrent les limites de la fameuse RSE, la responsabilité sociale des entreprises. Un parfait paravent, pour Juliette Renaud : « Les entreprises se cachent derrière une communication dite responsable, alors que leurs actes sur le terrain sont en totale contradiction. » D’après la chargée de campagne aux Amis de la Terre, tant qu’il n’y aura pas d’obligations ou de cadres réglementaire vraiment contraignants, les Prix Pinocchio continueront de fleurir.

- Ecouter Juliette Renaud :
Complément d’info : Les prix Pinocchio ont été décernés en partenariat avec l’Observatoire des multinationales, où l’on trouvera des enquêtes approfondies sur les entreprises lauréates.