Greenpeace a ridiculisé EDF toute la journée
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Deux activistes de Greenpeace sont restés à l’intérieur du site de la centrale de Cruas toute une journée avant qu’EDF ne parvienne à les retrouver.
« De simples militants, aux intentions pacifistes et disposant de peu de moyens, sont parvenus à atteindre le cœur d’une centrale nucléaire. C’est la preuve flagrante que les dispositifs de sécurité existants sont tout à fait insuffisants », selon l’organisation écologiste.
lenouvelobs / AFP, 20h54, le 5 décembre.
Le groupe EDF a déclaré lundi 5 décembre au soir avoir remis aux autorités deux militants de Greenpeace qui s’étaient introduits dans la centrale nucléaire de Cruas, dans la Drôme.
Ces deux personnes "s’étaient introduites derrière le grillage de la centrale de Cruas, mais en dehors de la zone protégée des bâtiments", a précisé une porte-parole de l’électricien.
Greenpeace avait annoncé qu’à 19h30 plusieurs de ses militants étaient "toujours paisiblement installés sur au moins une centrale nucléaire, dans le périmètre des réacteurs, et ce depuis 6h ce matin". Le ministère de l’Intérieur, lui, affirmait qu’il n’y avait eu qu’une intrusion sur un site, celui de Nogent-sur-Seine, au sud-est de Paris.
"Jeu du chat et de la souris"
Neuf militants ont pénétré lundi matin dans la centrale de Nogent-sur-Seine où ils ont réussi à parvenir en un quart d’heure au dôme de l’un des réacteurs pour y déployer une banderole lors d’une action non-violente.
Greenpeace a précisé s’être introduit au petit matin dans ces centrales "pour faire passer le message que le nucléaire sûr n’existe pas". Vers 11h, l’organisation indiquait dans un communiqué que les militants étaient cachés dans plusieurs centrales non nommées et qu’ils parvenaient "à se déplacer sur ces sites sans être repérés par les forces de sécurité et les systèmes de surveillance".
"A ce jeu du chat et de la souris entre autorité qui dispose de moyens colossaux et des citoyens non-violents utilisant des méthodes très simples, il n’y a qu’un seul vrai perdant : le citoyen, qui se pensait à l’abri avec les centrales nucléaires présentées comme les plus sûres du monde", a souligné Sophia Majnoni, chargée de la campagne nucléaire chez Greenpeace.
Besson parle de possibles "dysfonctionnements"
Le ministre français de l’Intérieur Claude Guéant a reconnu des "défaillances dans notre dispositif" de sécurité. "Il est clair que cela révèle des défaillances dans notre dispositif", a déclaré Claude Guéant à quelques journalistes en marge d’un déplacement à Paris.
Interrogé sur France Info, le ministre de l’Industrie, Eric Besson, a quant à lui évoqué de possibles "dysfonctionnements" et a avoué sa surprise. Il a réclamé dans la journée une "enquête approfondie", a-t-on appris auprès du ministère. "Eric Besson, en lien avec le ministre de l’Intérieur, a demandé à ses services une enquête approfondie sur l’intrusion intervenue ce matin sur le site de la centrale de Nogent-sur-Seine. Toutes les conclusions appropriées seront tirées", a indiqué le ministère de l’Energie.
EDF, de son côté, s’efforce de minimiser l’incident. L’entreprise a indiqué que l’équipe de Greenpeace avait été "immédiatement détectée" à Nogent-sur-Seine et que l’intrusion n’avait eu aucune conséquence sur la sécurité des installations.
Ces personnes "ont été immédiatement détectées par le dispositif de sécurité et leur cheminement a été suivi en permanence sur le site, sans qu’il soit décidé de faire usage de la force", selon EDF. En fin de matinée, tous les militants ayant pénétré sur le site de Nogent avaient été interpellés, selon le ministère de l’Intérieur.
D’autres sites nucléaires visés
Lundi matin, la gendarmerie a signalé des tentatives d’intrusion dans les sites nucléaires du Blayais (Gironde), Chinon (Indre-et-Loire) et Cadarache (Bouches-du-Rhône).
A Chinon et au Blayais, EDF a annoncé que des banderoles avaient été déployées et "immédiatement retirées", sans préciser si c’était à l’intérieur ou à l’extérieur. A Nogent-sur-Seine, "une partie des militants a réussi à grimper sur le dôme de l’un des réacteurs, où ils ont déployé une banderole : le nucléaire sûr n’existe pas", a assuré Axel Renaudin, chargé de communication de Greenpeace.
Interrogé par BFMTV-RMC, Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, a jugé "irresponsable" l’opération de Greenpeace. "Il va falloir en tirer des conséquences. (...) On ne peut pas permettre que n’importe qui puisse entrer aussi facilement que ça dans une centrale nucléaire. On peut imaginer ce que certains pourraient en faire", a poursuivi Henri Guaino.
"Il n’y a pas de sécurité totale dans les centrales", selon Mamère
L’intrusion de militants de Greenpeace sur des sites nucléaires leur donne "raison" en apportant la preuve qu’il n’y a pas de sécurité totale dans les centrales, a estimé de son côté le député-maire Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Bègles (Gironde), Noël Mamère. "Les fameux stress-tests effectués sur les centrales ne sont que des écrans de fumée puisqu’ils ont exclu tout ce qui relève des intrusions extérieures, du terrorisme et du crash d’un avion", a-t-il indiqué, contacté par l’AFP.
Championne du monde de l’atome, la France tire 75% de son électricité de son parc de 58 réacteurs.
Communiqué de 19h30, le 5 décembre
A 19h30, Greenpeace confirme que plusieurs de ses militants sont toujours paisiblement installés sur au moins une centrale nucléaire, dans le périmètre des réacteurs, et ce depuis 6h ce matin. Malgré les affirmations d’EDF qui estime avoir la situation sous contrôle après les intrusions, et occupations de plusieurs sites nucléaires à partir de ce lundi 5 décembre à 6h du matin, Greenpeace continue de démontrer que la sécurité des installations nucléaires en France n’est pas du tout assurée.
Communiqué de 10h45 le 5 décembre
Greenpeace confirme que les militants qui ont occupé ce matin le dôme d’un réacteur de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine ont été délogés par la police.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : vers 6h ce matin, au moment où ils sont entrés dans la centrale de Nogent, d’autres militants de Greenpeace se sont introduits dans d’autres installations nucléaires. Cachés depuis ce matin, ils parviennent à se déplacer sur ces sites sans être repérés par les forces de sécurité et les systèmes de surveillance.
« Cette présence non-violente au cœur même des installations nucléaires françaises prouve leur extrême vulnérabilité, analyse Sophia Majnoni d’Intignano, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace France. Bien qu’alertées par notre première action à la centrale de Nogent-sur-Seine de ce matin, les autorités n’ont pas repéré les militants qui ont réussi à pénétrer plusieurs sites pour délivrer pacifiquement leur message : le nucléaire sûr n’existe pas. »
Greenpeace ne donne pour l’instant pas de précision sur le nombre de militants présents sur les installations nucléaires ni les noms des sites concernés. Areva, EDF, les forces de l’ordre et les responsables politiques prétendent que les sites nucléaires français sont sécurisés et que les militants de Greenpeace ont été immédiatement repérés ? À eux de retrouver les militants !
« À ce jeu du chat et de la souris entre autorité, qui disposent de moyens colossaux, et des citoyens non-violents utilisant des méthodes très simples, il n’y a qu’un seul vrai perdant : le citoyen qui se pensait à l’abri avec les centrales nucléaires présentées comme les plus sûres du monde », reprend Sophia Majnoni.
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Depuis sa création, en 1971, Greenpeace dénonce les dangers liés au nucléaire. Dans la pure tradition de la désobéissance civile, les militants respectent le principe de non-violence. Par leurs actions et leur présence physique, ils attirent l’attention du public sur des scandales écologiques, désignent les responsables et promeuvent des alternatives. En s’introduisant dans des installations nucléaires, les militants de Greenpeace souhaitent sensibiliser les Français sur la vulnérabilité des centrales et les alerter sur les risques inconsidérés que leur fait courir l’énergie nucléaire.
Communiqué de 09h34 le 5 décembre
Ce matin lundi 5 décembre, à 6h, des militants de Greenpeace se sont introduits dans la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube), située à 95 km au sud-est de Paris pour faire passer le message que le nucléaire sûr n’existe pas.
« Avec cette action non-violente, Greenpeace démontre à quel point les installations nucléaires françaises sont vulnérables, explique Sophia Majnoni d’Intignano, chargée de campagne Nucléaire pour Greenpeace France. De simples militants, aux intentions pacifistes et disposant de peu de moyens, sont parvenus à atteindre le cœur d’une centrale nucléaire. C’est la preuve flagrante que les dispositifs de sécurité existants sont tout à fait insuffisants. Et pourtant, l’audit sur la sécurité des installations nucléaires commandité par le gouvernement suite à la catastrophe de Fukushima ne prend pas en compte le risque d’intrusion humaine. C’est très inquiétant. »
Greenpeace demande au gouvernement d’élargir le périmètre de l’audit des installations nucléaires françaises en intégrant l’ensemble des risques.
Un audit largement insuffisant
Suite à la catastrophe de Fukushima, le gouvernement français a commandité un audit pour vérifier la sûreté et la sécurité des installations nucléaires françaises. La réalisation de cet audit a été confiée aux exploitants nucléaires eux-mêmes – le CEA, Areva et EDF – et ses conclusions seront analysées par l’Autorité de sûreté nucléaire d’ici la fin de l’année. Cet audit se borne à étudier les problèmes liés à des évènements naturels (séisme, inondation, etc.). Risque terroriste, chute d’avion, virus informatique : aucun risque d’agression externe non-naturelle n’est pris en compte.
Dans un rapport commandé par Greenpeace et à paraître en janvier, Arjun Makhijani, expert indien indépendant, président de l’Institut de recherche sur l’énergie et l’environnement du Maryland (États-Unis), analyse ainsi l’audit nucléaire français :
« Du point de vue des causes et du déroulement de l’accident, il n’est pas pertinent de limiter l’analyse des évènements initiateurs aux seuls phénomènes naturels (séisme et inondation). Dans une démarche de révision globale de la sûreté, les risques d’origine humaine auraient dû être intégrés dans cette analyse. Ceci concerne, a minima, les causes accidentelles, et devrait même inclure les actes de malveillance. »
Des dispositifs de sécurité impressionnants… sur le papier !
Le gouvernement, en charge de la sécurité des sites nucléaires, se targue d’avoir des plans à toute épreuve pour sécuriser le parc atomique français :
- intervention d’avions de chasse en maximum 15 min sur tous les sites nucléaires ;
- présence continue d’un peloton spécial de gendarmerie sur chacun des sites ;
- radar aérien de détections sur certaines installations ;
- accès aux sites soumis à autorisations officielles après enquête ;
- double clôture électrifiée et vidéosurveillance autour de chacun des sites ;
- espace aérien interdit au dessus des sites.
« Les militants de Greenpeace démontrent aujourd’hui que, malgré un dispositif de sécurité impressionnant, les installations nucléaires françaises sont très vulnérables, insiste Sophia Majnoni. C’est d’ailleurs probablement pour ça que les risques externes non-naturels ne sont pas pris en compte dans l’audit. Si c’était le cas, aucune installation ne pourrait être déclarée sûre et la France n’aurait d’autre choix que de sortir du nucléaire ! »