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Tribune

Guerre aux paysans


Journée mondiale de la biodiversité, tagada-tsoin-tsoin. C’était le 22 mai. Entendu parler ? Non. Ah si, le truc sur les Champs-Elysées, le colza, les herbes, c’était beau. Le site Nature Capitale nous apprend que le Fouquet’s s’est associé à l’événement (1) : il faut « parvenir à un »luxe respectable« , un luxe qui honore l’environnement », explique le directeur de l’établissement célèbre pour avoir accueilli diverses notabilités après le concert de Mireille Mathieu le 6 mai 2007. A vrai dire, on ne peut pas reprocher au monde de se ficher de la biodiversité comme de l’an 40. On n’y comprend rien, les scientifiques n’ont jamais réussi à bien l’expliquer. Des grenouilles disparaissent au fin fond de la Papouasie ? La belle affaire...

Mais, en réalité, la crise de la biodiversité renvoie à un conflit à la fois massif et soigneusement caché : une guerre contre la nature, qui prend la forme d’une guerre contre les petits paysans.

Prenez la Thaïlande, et la rébellion des « chemises rouges » : « C’est un mouvement issu de populations défavorisées du nord et du nord-est du pays, explique dans Témoignage chrétien Benoît de Tréglodé, de l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine. Le clivage jaune-rouge est en train de donner corps à une opposition de classes sociales jusqu’alors dissimulée : paysans pauvres contre urbains aisés » (2). Voyez en Inde, dans les Etats de l’Est, la lutte constante des paysans contre les compagnies minières et industrielles. Le 18 mai encore, dans l’Orissa, une centaine de manifestants ont été blessés dans des heurts avec la police. Ils s’opposent au projet d’un immense complexe sidérurgique, qui pourrait déloger les paysans des 1 600 hectares convoités par Posco, un industriel coréen (3).

Partout, les maîtres des villes font la guerre à la campagne : pour y étendre faubourgs et industries, ou pour imposer une agriculture industrielle à base de machines et de pesticides. Résultat : un recul continu de la biodiversité. En Argentine, l’expansion du soja transgénique a chassé des dizaines de milliers de petits paysans. En Afrique, l’abaissement des frontières douanières a cantonné l’agriculture vivrière à une précaire survivance. Dans de nombreux pays, l’achat de terres par des compagnies étrangères se joue au détriment des petits. Et, en France, le développement sans frein de la grande distribution transfère sauvagement la plus-value agricole sur les comptes en banque des géants du commerce.

La biodiversité ? Il ne s’agit pas que de petits oiseaux, mais aussi du conflit violent et très humain entre la course au profit maximal et le souci de vivre dignement de son travail et de la terre.

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Notes :

(1) http://resonance.naturecapitale.com...

(2) http://www.temoignagechretien.fr/ar...

(3) http://www.reporterre.net/spip.php?...


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