L’Allemagne bloque la lutte contre la pollution automobile

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Le gouvernement de Mme Merkel a bloqué lundi, lors du conseil européen des ministres de l’environnement à Luxembourg, le progrès dans la réduction de la pollution automobile. BMW et Mercedes imposent leur loi. La France résiste mollement, Grande-Bretagne et Pologne pas du tout. Mais la bataille n’est pas finie.
Pas touche à la puissante industrie automobile allemande ! Les Européens viennent d’en faire l’expérience. Sous l’injonction de Berlin, ils vont devoir revoir les nouvelles règles environnementales s’appliquant au secteur. Devant l’intransigeance de l’Allemagne, les ministres de l’Environnement des Vingt-huit ont préféré lundi 14 octobre repousser une nouvelle fois toute décision quant aux objectifs d’émission de CO2 pour les voitures à l’horizon 2020 , lors d’une réunion à Luxembourg.
Il paraît donc désormais inévitable que les Etats revoient à la baisse d’une manière ou d’une autre les ambitions initiales (pas plus de 95 g de CO2 au kilomètre en 2020 contre 130 g prévu en 2015), afin d’amadouer l’Allemagne qui défend ses grosses cylindrées. « Nous devons trouver une formule magique où la flexibilité accordée aux constructeurs serait assez forte pour contenter Berlin et suffisamment faible pour plaire à ceux défendant les objectifs initiaux », soupire un diplomate européen.
Autre difficulté, ne pas froisser le Parlement européen, opposé à la position allemande, et qui doit donner son feu vert. Un défi d’ampleur, alors que le temps presse : un accord doit être trouvé dans les prochaines semaines, faute de quoi les eurodéputés n’auront pas le temps de le valider avant la fin de leur mandat, au printemps 2014.
Une situation quasi inédite
Cette situation est, de mémoire de diplomates, quasi inédite dans l’Union européenne (UE). L’objectif de 95 g par kilomètre en 2020 avait été obtenu en juin, à l’issue de négociations entre le Parlement et le Conseil, qui représente les Etats. Au niveau européen, un tel accord marque normalement la fin de la procédure législative. Mais pas ici : depuis le mois de juin, Angela Merkel – qui a pris le dossier en main – mène une campagne mêlant forte pression et intimidation pour torpiller ce compromis.
Il faut dire que BMW et Daimler auraient bien du mal à remplir ces nouveaux objectifs.
Des menaces de fermetures d’usines de constructeurs allemands auraient été agitées pour effrayer l’Espagne, selon des proches du dossier, sans succès. Mais en quelques semaines, le processus s’est enlisé et le vote a été plusieurs fois repoussé. « C’est inacceptable, l’Allemagne crée un précédent qui remet en cause la méthode communautaire », dénonce un diplomate.
Flairant la bonne affaire, le Royaume-Uni et la Pologne ont fini par rallier l’Allemagne. « Ils ont négocié cher leur ralliement, en échange de faveurs à venir », assure une source européenne. Et la France ? Ses partenaires trouvent la position de Paris très ambiguë. Officiellement, le gouvernement français continue de soutenir le compromis de juin. Mais dans le même temps, il travaille activement pour trouver une solution acceptable pour les Allemands. Vendredi dernier, le plus proche conseiller de François Hollande sur les affaires européennes a organisé, selon nos informations, une réunion avec son homologue à la Chancellerie et des représentants de Londres, Varsovie, Rome et Madrid. La tentative a échoué, mais elle montre que Paris soigne ses relations avec Berlin.
Même avec l’aide de la France, trouver un accord ne sera pas facile. La proposition allemande de repousser à 2024 les objectifs de CO2 paraît hors sujet, et un accent mis sur les « super-crédits » n’est pas plus populaire. A Bruxelles, certains espèrent que la formation d’une grande coalition à Berlin avec les Verts ou le SPD permettra un assouplissement de la position allemande pour sortir de l’impasse.