Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

L’Etat attaque des Basques écolos et non violents

Depuis 2005, le mouvement basque non-violent a créé une chambre d’agriculture en Pays basque, pour répondre aux besoins des paysans et développer des méthodes de travail écologiques. Mais l’Etat français n’accepte pas cette concurrence avec la Chambre d’agriculture officielle, productiviste, et attaque les alternatifs en justice.

Euskal Herriko Laborantza Ganbara (= « Chambre d’Agriculture du Pays Basque » en langue basque) est une association loi 1901 qui a pour objet le développement d’une agriculture paysanne et durable en Pays Basque. Elle compte aujourd’hui 10 salariés et est forte du soutien de 1200 membres-donateurs.
Les paysans basques membres de la Confédération Paysanne, majoritaires en Pays Basque mais minoritaires dans le département -particulièrement bicéphale et artificiel- des Pyrénées-Atlantiques demandaient en effet depuis 10 ans une chambre d’agriculture spécifique du Pays Basque pour mener une politique favorable aux petites exploitations (majoritaires en Pays Basque) et promouvoir une agriculture paysanne et écologiquement responsable.
La Chambre d’Agriculture officielle des Pyrénées-Atlantiques est en effet tenue par le lobby FNSEA-grands maïsiculteurs, favorable à une agriculture industrielle, favorisant la concentration en grandes exploitations, l’irrigation intensive, l’usage toujours plus poussé des pesticides et ayant lancé le projet aberrant d’une usine de bio-éthanol fabriqué à base de maïs à Lacq.
En janvier 2004, la branche locale de la Confédération Paysanne (qui s’appelle ici ELB) avertit le gouvernement que s’il ne créée pas cette Chambre d’Agriculture du Pays Basque d’ici un an, c’est elle qui le fera. ELB mobilise alors l’ensemble de la société civile du Pays Basque et le pari est tenu : Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG) est créée le 15 janvier 2005, installée dans des locaux situés dans le petit village d’Ainhice-Mongelos (64 220).
L’association se met à travailler et à faire ce qu’aurait dû faire la Chambre d’Agriculture du Pays Basque si le gouvernement l’avait créée : développement de systèmes autonomes et économes, développement de circuits courts de commercialisation, promotion de pratiques culturales moins consommatrices en engrais et en pesticides, politique visant à favoriser la transmission des fermes à des jeunes (et non leur concentration progressive), organisation d’un salon annuel de l’agriculture paysanne et durable intitulé Lurrama-La Ferme Pays Basque (30 000 visiteurs en 2006 dans une édition parrainée par Edgar Pisani, 36 000 visiteurs en 2007 dans une édition parrainée par Jacques Testart, édition 2008 les 31 octobre, 1er et 2 novembre)
Le succès est impressionnant. Paysans et population locale adhèrent massivement à la démarche.
Mais l’Etat ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, cette association fait de l’ombre à la Chambre d’Agriculture officielle et au projet planifié pour l’agriculture en Pays Basque, à savoir réduire et concentrer considérablement le nombre d’exploitations (« Il faut choisir entre être nombreux ou heureux » dixit un Président de la Chambre d’Agriculture officielle). De plus, cette revendication d’une Chambre spécifique au Pays Basque est vécue comme une grave atteinte au centralisme jacobin. Pourtant, EHLG est composée de gens de toutes tendances politiques : des militants basques mais également des socialistes, des Verts, des centristes etc... Et ceux et celles qui animent EHLG ont un point commun fondamental : ils sont absolument non-violents et farouchement opposés à toute forme d’action violente ou clandestine, ce qui en Pays Basque n’est pas toujours un choix facile à défendre et à assumer.
Malgré tout cela, ce jeudi 18 septembre à Bayonne, à la suite d’une plainte officielle du Préfet, l’association et son Président, Michel Berhocoirigoin seront traînés devant le tribunal correctionnel : au delà de la peine risquée (un an de prison ferme et 15 000 euros d’amende), c’est carrément l’interdiction et la dissolution de l’association qui sont en jeu.
La plainte du préfet et la citation à comparaître délivrée par le Procureur de Bayonne arguent du fait que le nom (c’est-à-dire la traduction en français d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara) et les missions d’EHLG « sont de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels, et en l’espèce une confusion avec la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques ».
L’affaire est gravissime : il s’agit en effet d’un grave précédent où l’Etat français demande l’interdiction d’une association absolument non-violente, démocratique et transparente, qui n’ a commis aucun délit. On ne reproche à cette association aucun acte délictueux, juste son objet et son existence même.
En outre, il nous semble aberrant -en ces temps de crise majeure aux niveaux écologique, agricole, social- de tenter de faire disparaître une association unanimement appréciée pour son travail remarquable et novateur en faveur d’une agriculture paysanne, écologiquement responsable, socialement équitable.

Source et contact : Fondation Manu Robles-Arangiz
20, rue des Cordeliers 64100 Bayonne
Tél : 06 14 99 58 79

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront des avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende