Tribune —
L’Europe capitaliste veut nous imposer les OGM
Durée de lecture : 4 minutes
Changer d’Europe, c’est parfois lui dire non.
Alors que tous les regards sont tournés vers la crise financière, il s’opère en coulisses une nouvelle offensive pro-OGM au niveau européen, menée tambour battant par la Commission. A quelques semaines du début des semis et à quelques mois du renouvellement du Parlement européen, cette dernière multiplie les pressions pour autoriser de nouvelles variétés de maïs génétiquement modifié, et surtout, pour empêcher des États comme l’Autriche, la Hongrie ou la France de s’opposer aux cultures transgéniques. Transcendé par cet activisme, le Figaro en profite pour révéler que l’Agence français de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) s’apprête à rendre publique une étude favorable au maïs MON810 de la multinationale Monsanto, dont la commercialisation a été suspendue début 2008 par l’actuel gouvernement français. Ce journal, connu pour avoir régulièrement vanté les mérites des OGM, se garde bien évidemment de rappeler les doutes qui ont plusieurs fois été exprimés sur l’objectivité de cette agence en matière de biotechnologies agricoles. Voici donc Jean-Louis Borloo dans une posture désagréable, lui qui avait fait du dossier des OGM le symbole d’un Grenelle de l’environnement qui n’en finit plus de s’effriter au fil des débats parlementaires.
Pourtant, malgré les efforts des lobbies, nous avons de bonnes raisons d’espérer que le moratoire sur le MON810 soit maintenu en 2009. De plus en plus sceptiques sur les OGM, les États membres votent en effet majoritairement contre les propositions de la Commission. Mais combien de temps durera ce jeu ? Quelle sera l’issue de cette guérilla juridique entamée il y a plus de dix ans par l’Autriche, et qui s’est pour l’instant heurtée au mur des institutions européennes et de son libre-échangisme intégral ? Après avoir simplifié les procédures d’autorisation avec un règlement scandaleux adopté en 2003, après avoir introduit une tolérance de 0,9% d’OGM dans les produits biologiques en janvier 2009, la prochaine étape pourrait être une refonte des procédures d’évaluation de nature à évacuer tout débat politique, laissant à la science officielle le soin de trancher.
A un tout autre niveau, cette situation sur le cas emblématique des OGM vient s’ajouter au scandale du traité de Lisbonne pour prouver que l’actuelle construction européenne vise tout simplement à abolir la démocratie. Le peuple peut bien dire « non » à un traité, il peut tout aussi bien refuser à plus de 80% une technologie écologiquement et socialement dangereuse, l’Union européenne ne déviera pas sa trajectoire d’un centimètre.
Or, comme le rappelait récemment Jean-Luc Mélenchon, chaque texte qui sort du Parlement, chaque décret ou arrêté se doit absolument d’être euro-compatible. La conclusion est limpide. Un véritable gouvernement de Gauche arrivant au pouvoir en France n’aurait d’autre solution que de pratiquer la désobéissance européenne pour mettre en oeuvre ses politiques. Il faut oser le dire ! Sur la seule question environnementale, la désobéissance s’impose dans plusieurs domaines. Il faut dénoncer la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003 pour interdire les OGM dans les champs et dans l’alimentation. Il faut dénoncer la directive 2003/87 instaurant le système de Bourse du carbone pour démanteler le marché des droits à polluer et mener des politique de lutte contre le changement climatique sérieuses. Il faut refuser d’abonder le budget de la Politique agricole commune tant que celle-ci financera une agriculture intensive détruisant la paysannerie et les écosystèmes. Il faut dénoncer les deux directives sur les marchés publics afin d’imposer la prise en compte de critères sociaux et environnementaux au lieu de se soumettre à la libre-concurrence, plus que jamais synonyme de dumping. Et, bien sûr, le constat est strictement identique sur les questions sociales...
En 2005, la formidable campagne d’éducation populaire qui a accompagné le référendum sur le Traité constitutionnel européen a permis aux citoyens de prendre conscience d’une chose fondamentale : l’Europe qui se construit vise à déposséder les États de tout pouvoir d’opposition aux politiques libérales qu’elle impose envers et contre tout. Cette Europe-là ne fera plus machine arrière. Le Front de Gauche qui se constitue en ce moment-même, et dont le M’PEP est bien évidemment partie prenante, a mille fois raison d’affirmer qu’il faut changer d’Europe, c’est à dire la reconstruire du sol au plafond. Changer d’Europe, c’est oser à nouveau dire « non ». Au quotidien. Chaque fois qu’une mesure de gauche se heurtera aux tables de loi de l’euro-libéralisme. Changer d’Europe commence par la désobéissance. Alors, soyons prêts à désobéir, et affirmons-le !