Tribune —
La Fondation Allègre, faux nez de tous les lobbies
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La création par Claude Allègre d’une fondation qui se dissimule derrière le mot ’’écologie’’ pose un double problème de confusion, et d’avantages fiscaux accordés aux donateurs.
Certes, le débat scientifique nécessite la contradiction, comme le débat des idées. Par voie de conséquence, le fait qu’un climato sceptique, même peu regardant sur le sérieux et la solidité de ses arguments scientifiques monte une fondation pour entretenir la contradiction, ne devrait pas poser problème dans un système démocratique.
Toutefois, et chacun le sait, nous ne vivons pas dans un monde idéal et cette fondation dont la référence à l’écologie n’est pas la moindre des contradictions soulève deux questions essentielles.
Entretenir la confusion
D’une part, l’utilisation du mot écologie dans son titre qui va faire disparaître progressivement la référence à Claude Allègre est bien entendu de nature à entraîner a minima la confusion, probablement la désinformation. C’est la raison pour laquelle il est absolument fondamental d’appeler systématiquement cette fondation la fondation Allègre afin que chacun sache bien ’’au nom de qui elle parle’’ et ’’qui elle est’’. Que cette fondation assume la production d’idées et de thèses destinées à démolir le travail du GIEC, les propositions de l’écologie y compris en s’appuyant sur des bases scientifiques trafiquées, c’est son droit.
Mais elle ne doit pas ajouter à cela une oeuvre de désinformation destinée à faire croire qu’elle parle au nom de l’écologie. A cet égard , la présence annoncée de Luc Ferry, qui a fait perdre 20 ans à l’écologie en France et qui, à propos du changement climatique a indiqué qu’il n’avait rien à faire du sort des générations à la fin de ce siècle, n’est évidemment pas là pour nous rassurer. Ennemis acharnés les uns comme les autres du principe de précaution, d’un développement soutenable qui accepte de discuter du progrès technologique, les promoteurs de cette fondation se dotent d’un outil permettant de renforcer une présence médiatique qui est déjà considérable grâce à leurs liens avec les annonceurs et le pouvoir politique.
Avantages fiscaux et greenwashing
D’autre part, la création d’une fondation appelle la réunion de fondateurs et d’avantages fiscaux. Chacun sait qu’une grande partie du combat mené par Claude Allègre vient de la disparition des crédits dont disposait l’institut qu’il dirige au bénéfice des sciences dont le changement climatique nécessite la promotion. Or, c’est précisément là que se pose la deuxième difficulté.
Lorsqu’on voit l’argent qui coule à flots venant des lobbys pour désinformer et éviter des législations qui protègent les consommateurs et les citoyens, on ne peut être qu’extrêmement inquiet vis-à-vis de cette future fondation. Ainsi, c’est par le biais de fondations qu’Exxon et plus généralement le lobby pétrolier, ont alimenté aux États-Unis la désinformation autour du changement climatique depuis 25 ans. C’est probablement par le même biais que l’espionnage des scientifiques du GIEC a été mis en place et que sont dépensés des millions pour promouvoir des Think Tank destinés à maintenir l’addiction au pétrole et à éviter le plus longtemps possible la sortie de la dépendance pétrolière. Or, les sciences de la Terre intéressent évidemment le monde du pétrole car c’est sous la terre et sous la mer que se trouvent les réserves. Dès lors, il est plus que probable que les généreux donateurs de la fondation Allègre se trouvent être précisément tous ceux qui ont intérêt à la défense du pétrole. Ils risquent de n’être pas les seuls.
Quand on voit comment le lobby des sucreries a su se mobiliser au Parlement européen (on parle de plus d’un milliard d’euros) pour empêcher le vote de dispositions permettant une information rapide et simple du consommateur sur le sucre, le sel, les graisses et des aliments (ceci ne concerne ni les fruits ni les légumes ni le lait ni la viande) et qu’il y est parvenu, l’inquiétude est grande. Elle l’est encore plus lorsque l’on voit fleurir sur Internet une campagne de désinformation prétendant que les étiquettes obligeront le Nutella à indiquer qu’il favorise l’obésité alors que c’est totalement faux, puisque la réalité est que ces mêmes industriels ne sont pas parvenus à supprimer une disposition qui permet le contrôle des allégations nutritionnelles, c’est-à-dire d’éviter la publicité mensongère.
Dès lors, le fait qu’une fondation, qui se prétend dans le monde des idées et au-dessus de la mêlée soit créée dans le but de promouvoir une autre écologie permet tout simplement de bénéficier d’avantages fiscaux pour les entreprises qui pourront ainsi financer quasi gratuitement un greenwashing à grande échelle.
Déjà, le monde contemporain fait que le rapport entre la défense des citoyens des consommateurs et les moyens des multinationales est disproportionné. Cette initiative va renforcer encore ce déséquilibre en le parant des plumes du paon intellectuel et désintéressé. Il n’est évidemment pas question de s’opposer de quelque manière que ce soit à cette initiative. En revanche, la réponse doit être double : refuser d’appeler cette fondation autrement que la fondation Allègre et s’opposer à ce qu’elle soit revêtue d’une quelconque appellation d’intérêt général.