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ReportageMines et métaux

La caravane pour Notre Dame des Landes soutient les opposants au gaz de couche à Divion

Des caravanes traversent la France pour converger vers Notre-Dame-des-Landes le week-end prochain. L’une d’entre elles s’est arrêtée dans le Pas-de-Calais pour soutenir les opposants au gaz de couche.


-  Divion (Pas-de-Calais), reportage

Le 6 juillet prochain, Notre Dame des Landes accueillera les différentes caravanes des convergences parties de plusieurs villes de France. L’une d’entre elles a quitté Lille le 28 juin. Composée de courageux cyclistes, elle rejoignit le premier jour Divion dans le département du Pas-de-calais, puis, le 29 juin, Drucat, petite ville de la Somme bien connue désormais pour la trop fameuse ferme des mille vaches. Elle se dirigera ensuite vers Mont Saint Aignan où le territoire de la ferme des Bouillons est convoité par le groupe Auchan. Notre-Dame-des-Landes verra donc converger, le premier dimanche de juillet, nombre de militants engagés, en France, dans la lutte contre des projets jugés inutiles.

Mais pourquoi la caravane de Lille a –t-elle fait halte à Divion ? Souvenons-nous : une société d’origine australienne E.G.L (European Gas Limited), domiciliée en Grande Bretagne, dont les capitaux sont européens, souhaite exploiter le gaz de couche retenu dans le sous-sol du bassin minier du Nord Pas-de-Calais, en vue de produire de l’électricité.

A la fin de l’année 2013, le collectif Houille-ouille-ouille 59/62 organise une réunion d’information sur les gaz de couche à Bruay Labussière, proche de Divion, afin d’alerter la population sur les problématiques écologique, sociale et financière de ce sombre projet. De nombreux habitants de Divion, présents à Bruay, saisissent la gravité des multiples enjeux et décident à leur tour de constituer un collectif citoyen : Gaz Houille 62, Divion- Houdain et environs. Une bonne vingtaine de membres actifs se réunit régulièrement pour organiser la résistance. Leur devise : Agir aujourd’hui pour mieux vivre demain.

Richard, Louis, Michèle, Franek et bien d’autres militants refusent, disent-ils, l’image caricaturale diffusée par certains élus locaux, selon laquelle la population du bassin minier a l’habitude de courber l’échine.

L’accueil de la caravane des convergences fut l’occasion de démentir ces propos et d’afficher, tout au contraire, une pleine et entière détermination. L’action militante, développée par ces deux collectifs, connut, d’une certaine façon, un premier succès lors des élections municipales de mars 2014 puisque les électeurs de Divion se sont largement prononcés contre le projet d’exploitation des gaz de couche en élisant un membre du collectif Gaz Houille 62 à la direction de leur ville.

La manifestation du 13 avril organisée sur le site du forage de Divion réunit près de 800 participants. Un second succès qui témoigne de l’intérêt prêté par la population locale à cette lutte.

« Nous devons contrer en permanence les propos des personnalités politiques influentes » déclare Louis. « Le préfet, par exemple, fait l’amalgame entre gaz de mine et gaz de couche et discrédite ainsi notre collectif » (sur la différence entre gaz de mine et gaz de couche, voir ici). Michèle ajoute de son côté : « Tous les politiques du Nord-Pas-de-Calais sont pour le gaz, à l’exception des élus d’EELV. On a le sentiment, en les écoutant, que la région retrouverait sa gloire économique d’antan grâce au gaz. Notre région serait redevenue un nouvel Eldorado. De nombreux emplois seraient créés, trois cents, prétend-on, alors qu’en réalité un forage rapporte au mieux un à deux emplois ! »

Certains militants discernent dans le discours productiviste d’anciens élus communistes de lourdes contradictions : « Les membres du PC local dénoncent à juste titre le pouvoir exorbitant des multinationales, déclare Franek, car elles ne voient que la logique du profit. Mais à Divion, ces mêmes politiciens sont disposés à soutenir l’initiative d’une entreprise privée, multinationale comme E.G.L. » En 2007, E.G.L a racheté Gazonor, issu des Charbonnages de France, avant d’être contrainte de la céder, l’année suivante, au groupe financier Transcor.

« Nous avons le sentiment qu’une épée de Damoclès est suspendue au dessus de nos têtes, renchérit Richard. Ils veulent faire passer le gaz de couche, pour lequel la fracturation serait "light", pour mieux nous faire avaler la pilule du gaz de schiste. ! Pourquoi prendre de tels risques ? Il serait pourtant simple d’appliquer le principe de précaution et de défendre l’idée d’un moratoire, » ajoute-t-il.

Christine Poilly, du collectif Houille-Ouille-ouille, doute que l’on puisse parler de fracturation propre pour l’exploitation des gaz non conventionnels. « Les fluides qui seront utilisés pour "stimuler la roche" (ce sont les propos d’E.G.L) sont des polyacrylamides qui sont certes biodégradables mais leurs produits de dégradation (acrylamides) sont reconnus comme étant cancérigènes. Il faut savoir que dans le Lensois, les cas de cancers d’enfants augmentent de 1% chaque année. »

A l’heure actuelle, le forage d’exploitation n’a pas commencé. Christine Poilly invoque des difficultés techniques : « Echaudée,{} dit-elle, par l’échec enregistrée en Lorraine lors du forage de quatre puits, dont celui de Tritteling-Redlach dans lequel la tête de forage a été perdue, E.G.L hésite, pour le moment à renouveler l’opération à Divion. Leur technique n’est pas au point ». De plus, la multinationale britannique, dont la situation financière semble, aux dires des militants écologistes, inquiéter ses actionnaires, est dans l’attente du versement d’une subvention accordée par le gouvernement, ce qui ne manque pas de les scandaliser.

Selon Richard, « une exploration évaluée à 2 millions d’Euros a été réalisée sur le site de Divion. L’importance de cet investissement exigera, affirme –t-il, un retour financier conséquent et tôt ou tard E.G.L procèdera à l’exploitation du gaz de couche »

Face à cette éventualité, probable et regrettable, les militants de Gaz Houille 62 et de Houille- ouille- ouille 59/62, se disent prêts à radicaliser leurs actions. Ne seront-ils pas, comme les zadistes de Notre Dame des Landes, contraints d’agir fermement aujourd’hui pour mieux vivre demain ?

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