La corruption gagne du terrain
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Les pays pauvres sont particulièrement touchés par la corruption, observe Transparency International dans son dernier rapport. Mais la corruption progresse aussi dans les pays riches, et la France n’améliore pas sa position.
Avec la Somalie et l’Irak en bas de classement, l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2008 de Transparency International, publié aujourd’hui, met en évidence le cercle vicieux liant pauvreté, faillite des institutions et corruption. Les pays développés ne sont pas en reste. Les mauvaises performances de certains pays industrialisés dans l’IPC 2008 indiquent que les mécanismes de contrôle ne sont pas non plus infaillibles dans les pays riches.
« Dans les pays les plus pauvres, la corruption peut être une question de vie ou de mort, lorsque, par exemple, elle touche aux ressources destinées aux hôpitaux ou aux réseaux de distribution d’eau potable, » déclare Huguette Labelle, Présidente de Transparency International. « La persistance d’un niveau élevé de corruption et de pauvreté dans de nombreux pays pauvres conduit à une situation humanitaire désastreuse et ne peut être tolérée. Mais même dans les pays les plus riches, l’inégale mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption est préoccupante. L’adoption de politiques plus strictes de lutte contre la corruption est nécessaire. »
L’Indice de Perception de la Corruption évalue la perception du niveau de corruption affectant les administrations publiques et la classe politique de 180 pays. C’est un indice composite fondé sur différents sondages et enquêtes réalisés par des organismes indépendants. Il classe les pays sur une échelle de 0 (haut degré de corruption perçu) à 10 (faible degré de corruption perçu).
Le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Suède, obtiennent la note la plus élevée, soit 9,3, immédiatement suivis par Singapour, avec un score de 9,2. Les pays perçus comme les plus corrompus sont Haïti avec 1,4, l’Irak et Myanmar avec 1,3, et enfin la Somalie avec un score de 1. (…)
Dans les pays pauvres, les ravages de la corruption compromettent la lutte contre la pauvreté et menacent la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Selon le Rapport mondial sur la corruption 2008 de TI, l’extension incontrôlée de la corruption pourrait renchérir de 50 milliards de dollars (35 milliards d’euros) le montant des investissements nécessaires pour atteindre les OMD dans le domaine de l’eau et de l’hygiène publique, soit près de la moitié de l’ensemble des budgets d’aide au développement.
Ce constat nécessite des efforts accrus non seulement dans les pays pauvres, où le bien être d’une part importante de la population est en jeu, mais également de la part de la communauté des donateurs. Leur démarche doit être plus ciblée et plus coordonnée afin que l’aide au développement favorise le développement de la bonne gouvernance dans les pays bénéficiaires, et que les versements effectués au titre de l’aide au développement ne puissent être détournés. (…)
L’affaiblissement des performances de certains grands pays exportateurs, et en particulier la diminution significative des notes de certains pays européens dans l’IPC 2008, met le doute sur la détermination réelle des gouvernements à mettre fin aux abus des entreprises dans la conduite de leurs activités à l’étranger. Ce recul traduit également certaines préoccupations liées au fonctionnement interne des Etats avec par exemple la question du financement des partis politiques. L’éclatement régulier de scandales liés à des actes de corruption active commis à l’étranger témoigne de l’incapacité des pays riches à tenir leurs promesses anti-corruption, notamment leur engagement mutuel à rendre des comptes.
« Cette sorte de double standard est inacceptable et traduit le mépris des règles du droit international » déclare Huguette Labelle. « Au-delà de ses effets désastreux sur l’état de droit et la confiance accordée à l’Etat, ce manque de détermination décrédibilise les appels adressés aux pays pauvres pour qu’ils agissent plus fermement contre la corruption. » La Convention de l’OCDE contre la corruption, qui pénalise les actes de corruption commis à l’étranger par des entreprises basées dans les pays de l’OCDE, est en vigueur depuis 1999, mais sa mise en œuvre effective reste très inégale. (…)
De l’IPC 2008 ressort une image de la France quelque peu ternie. Avec une baisse de 0,4 point par rapport à l’IPC 2007 (classement : 23e rang en 2008 et 19e en 2007 - note : 6,9 en 2008 contre 7,3 en 2007), la France fait partie des pays européens enregistrant une baisse significative aux côtés, entre autres, du Royaume-Uni (-0,7), de l’Italie (-0,4) et de la Bulgarie (-0,5).
Cette année aura été marquée par plusieurs affaires touchant aux plus hautes sphères de l’Etat en France. De l’ancien Président de la République visé par différentes enquêtes pour corruption – mis en examen pour l’une d’entre elles – à la mise en examen de l’ex Premier ministre dans le cadre de l’affaire « Clearstream » et au scandale impliquant la principale fédération d’entreprises françaises (UIMM), nombreux sont les éléments qui ont pu contribuer à dégrader la perception du niveau de corruption en France. A l’instar d’autres pays développés, la France a aussi sa part d’entreprises impliquées dans des affaires de corruption à l’étranger. Enfin, le non lieu prononcé dans l’affaire des frégates de Taiwan, après que trois ministres de l’Economie et des Finances, de gauche comme de droite, aient bloqué l’instruction par l’invocation du secret défense, a indiscutablement jeté le doute sur la volonté de la classe politique française de faire toute la lumière sur cette affaire. (…)