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Tribune

La croissance des TGV n’est pas écologique

La multiplication des projets de TGV n’est pas une bonne nouvelle. Leur impact environnemental serait lourd, et ils n’ont pas que des avantages sur les régions traversées. Mieux vaudrait réhabiliter les lignes existantes - et accepter de ne pas aller toujours très vite !


Alors même que Réseau Ferré de France se débat aujourd’ hui dans un déficit faramineux, les projets de lignes à grande vitesse pour le sud ouest se sont multipliés. Après la LGV Tours/Bordeaux qui a échappé à la procédure du débat public et entré directement au stade de l’enquête publique en janvier 2005, c’est le projet de LGV Bordeaux/Toulouse le moins justifié qui a été soumis à la procédure du débat public l’année dernière, puis celui de sud europe atlantique (SAE) vers Hendaye en 2006 approuvé malgré l’opposition massive des populations du Sur Gironde et du Pays Basque. A l’ unanimité, le Conseil Régional d’Aquitaine, tous groupes politiques confondus y compris certains élus écologistes, a donné son feux vert (si j’ ose dire !) à ces projets pharaoniques dont les investissements se montent à 15 milliards d’euros, soit 120 millions d’euros par minute gagnée sur le temps de parcours actuel entre Paris et Bordeaux.

Habituellement, les associations de protection de l’environnement se mobilisaient peu face à ce type de projet, le rail étant considéré comme la seule alternative face aux autoroutes. A l’occasion de l’opposition à la LGV Bordeaux/Toulouse, un nouveau positionnement associatif a vu le jour, à savoir celui d’une opposition de principe à toute ligne nouvelle, compte tenu des impacts sur les derniers espaces naturels restés encore non aménagés et du montant des investissements prévus, la modernisation des voies existantes étant privilégiée. C’est sur ce positionnement ambitieux qui évite le piège du « nymbisme » que le réseau associatif local a réussi à mobiliser avec succès les populations et leurs élus du Sud Gironde.

Il existe plusieurs motifs à cette opposition de principe.

En premier lieu, il y a la nature même de toute LGV qui est conçue pour relier uniquement les grands centres urbains au détriment des villes petites et moyennes situées sur l’itinéraire. Plus précisément, pour le milieu rural, c’est une véritable catastrophe car il n’y a aucun échangeur prévu comme pour les autoroutes. Des villages, des hameaux et des familles seront dorénavant « enclavés » et isolés les uns des autres, sans compter l’ impact écologique de ces nouvelles infrastructures linéaires qui ne fera alors que s’ ajouter à celui représenté par les autoroutes existantes. Quel que soit le tracé adopté, ce seront de nouveaux espaces naturels et de nouvelles terres agricoles qui vont être sacrifiées une fois de plus sur l’ autel du "développement " en dépit des fameux engagements de Grenelle. Faut-il le rappeller ? La LGV comme l’ autoroute assèche le milieu rural et exclut les villes et les régions laissées pour compte du "progrés" et qui en plus sont appelés à financer le projet !

Autre aspect négatif, le gain de temps très limité entraîné par la voie nouvelle au regard de l’importance de l’investissement. Tant qu’ à vouloir gagner du temps, les transports de proximité devraient être considérés comme prioritaires (TER, Tram etc…), car s’il y a du temps perdu, c’est bien dans les embouteillages. En toute hypothèse, il faut savoir que par définition les gains de temps entraînés par l’amélioration de la vitesse des trains ne peuvent aller qu’en décroissant alors que les coûts multiformes explosent, telle est la loi d’ airain du progrès technique dont nous n’ avons pas encore réalisé la portée !

Reste la justification ultime avancée par les tenants du projet au sein des associations de protection de l’environnement, à savoir le fait de la libération de la ligne actuelle au profit du transport de marchandise. Cet argument serait recevable si la SNCF s’était engagée fermement en sa faveur. Or le fret est actuellement en voie d’abandon total au profit de la route, sans que le gouvernement ne prenne aucune mesure crédible de réorientation de la politique des transports dans ce domaine. Or là devrait être la priorité des investissements dans notre région ! D’ailleurs, l’expérience le montre : partout où les lignes anciennes ont été libérées par la construction de LGV, aucun progrès dans le transport de marchandise n’a été noté !

Enfin, on ne soulignera jamais assez le coût exorbitant représenté par ces investissements, compte tenu des inconvénients signalés et surtout de l’ endettement public actuel. La moitié du déficit actuel de RFF est dû à la création du réseau LGV qui , comme on pouvait s’en douter, a été réalisé au détriment de la maintenance du réseau des lignes régionales.

Par ailleurs , les miracles économiques attendus par les villes desservies par le TGV n’ ont guère été au rendez-vous. Il suffit pour cela de comparer Bordeaux avec Toulouse qui est une ville très dynamique sur le plan économique par rapport à la première, bien qu’elle soit aujourd’hui à cinq heures de Paris dans la meilleure des hypothèses. Au terme de cette analyse , s’il est incontestable qu’ une priorité absolue doit être donnée au rail par rapport à la route et à la voie aérienne pour des motifs d’ ordre écologique et social, il n’ apparaît pas du tout souhaitable pour la collectivité de donner la priorité à la grande vitesse au détriment du réseau ferroviaire restant, compte tenu des coûts financiers et environnementaux entraînés par la création de ces voies nouvelles .

Mieux vaudrait se contenter d’ utiliser les voies existantes en les modernisant, même si cela fait perdre une heure tout les cinq cent kilomètres . Cela est aujourd’ hui d’ autant plus vrai que les fameux TGV-pendulaires prévus pour la ligne POLT et abandonnés depuis, constituent une réponse technique crédible pour des gains de temps raisonnables. Et par delà les questions posées par ce dossier , il faudra également bien qu’ un jour, contraint et forcé, l’homme moderne accepte de voir sa vitesse et sa mobilité limitées, du moins s’ il veut encore vivre dans un monde à l’ échelle humaine et tenir compte de l’épuisement des ressources naturelles de la planète ! De ce point de vue là, le grand chantier des LGV devrait être notre dernière vache sacrée à sacrifier sur l’autel d’un vrai progrès.


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