Tribune —
La science a honte
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Les analystes qui observent la dérive oligarchique de la démocratie démontrent aisément l’hybridation entre responsables politiques, dirigeants économiques et opérateurs des médias. Ce phénomène conduit à ce qu’un langage convenu appelle la « désaffection à l’égard des élites ». Mais leur vue est trop courte : ils oublient que la science - austère instrument de la connaissance, impavide aventurière des mystères du cosmos, temple sacré de la vérité - peut elle aussi être mobilisée par les cercles du pouvoir.
Or nous apprenons l’affligeante nouvelle que voilà : l’honorable Institut de France, fondé en 1795, regroupant notamment l’Académie des sciences et l’Académie française, a accepté d’abriter une fondation créée par un scientifique retraité qui a multiplié mensonges, manipulations de graphes et fausses citations - injuriant de surcroît ses collègues climatologues, désignés naguère comme constituant une « mafia ». Lesdits mensonges, manipulations et erreurs sont parfaitement documentés, et ont suscité plusieurs démentis indignés des scientifiques abusivement cités. Rien n’y fit.
Claude Allègre garde plateau ouvert dans les médias et la confiance inaltérée de ses amis. Et voilà qu’il lance, sous le prestigieux label de l’Institut de France, la Fondation Ecologie d’avenir. Il s’agit de « développer une écologie positive », une « écologie qui peut être le moteur d’une nouvelle croissance », en associant « des hommes et des femmes appartenant aussi bien au monde académique qu’à celui de l’entreprise ». Pour que les choses soient claires, Claude Allègre précise sur le site du nouvel organisme que « cette symbiose avec le monde académique est au coeur même de la fondation ».
On retrouve ainsi, dans le conseil d’orientation de la nouvelle Fondation, des représentants des entreprises Limagrain, PSA Peugeot ou Schlumberger. On y rencontre aussi des personnalités de tendance conservatrice comme Jean-Claude Casanova, directeur de la revue Commentaire, Jean-Marie Colombani, ancien directeur du Monde ou Luc Ferry, ex-professeur absentéiste. Entendons-nous bien : que des intellectuels s’associent à des entreprises pour promouvoir leur idéologie sous le couvert de la science ne relève que d’un classique jeu de lobby.
Mais que le très respectable Institut de France, qui devrait avoir à coeur de défendre l’intégrité scientifique parraine cette démarche est en revanche proprement scandaleux.