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Tribune

La vraie et lourde facture des déchets nucléaires

En jouant sur la notion de déchet valorisable en attente d’un hypothétique recyclage, le nucléaire français s’exonère de l’évaluation du prix de revient réel de sa technologie.


La reconnaissance du secret de polichinelle, par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, que constitue le non-recyclage de la quasi-totalité des déchets nucléaires français appelle plusieurs observations.

Jeux de mots

Le mensonge nucléaire institué par Areva qui a pu impunément pendant des années axer sa publicité sur le fait qu’elle travaillait en circuit fermé a abouti à la croyance que les déchets nucléaires étaient recyclés. Pour toute autre industrie, un tel comportement aurait été stigmatisé et sanctionné. Mais, visiblement, pas de souci pour Areva qui peut faire couler des litres d’encre de contre-vérités sans conséquences…

Dès lors que l’uranium stocké en Russie n’est pas recyclé, c’est évidemment un déchet. Or, Areva joue sur les mots grâce à la définition aberrante que la loi française a donnée du déchet nucléaire, en violation avec le droit communautaire du déchet qui le définit comme tout objet dont son producteur se « défait », c’est-à-dire n’a aucun usage immédiat, même si le déchet est commercialisé et même réutilisé ultérieurement. Areva prétend qu’il ne s’agit pas de déchet au motif que peut-être en 2040, ce déchet sera réutilisable.

Cette argumentation est irrecevable tant au plan de la loi française car l’échéance est trop incertaine, qu’au plan de la législation communautaire qui exclut un tel raisonnement. Or, ce raisonnement permet à Areva d’échapper à toutes ses obligations en terme de producteur de déchet (notamment la surveillance et la responsabilité), de violer la convention de Bâle sur l’exportation des déchets dangereux. Remettre en cause cette interprétation juridique fantaisiste est donc lourd de très grosses conséquences judiciaires pour Areva.

Jeux de dupes

Mais plus encore, c’est l’équilibre économique de la filière qui est interpellé. En effet, si ces déchets sont traités comme ils doivent l’être, alors le coût du retraitement et sa rentabilité sont davantage mis en cause. On peut déjà plus que douter de la rentabilité de la filière du retraitement comme les négociations entre EDF et AREVA en témoignent. Le départ de la plupart des clients (Allemagne, Belgique notamment) a rendu la situation très tendue ; l’obligation d’investir réellement pour tous les déchets issus du retraitement rendrait la situation encore plus délicate. Or, précisément, il est impossible, en France, d’avoir une image même approchée des coûts effectifs de la filière nucléaire. Or, les investissements sont colossaux et ce secteur est un des seuls à être épargné par tout effort de rigueur budgétaire. Jusqu’à quand, accepterons-nous d’investir dans le nucléaire en sacrifiant au passage la sobriété énergétique et les énergies renouvelables sans même accepter de jouer la transparence dans la réalité des coûts ?


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