Tribune —
Le défi de Mme Duflot

Cécile Duflot est une politicienne habile. La voilà au pied d’un mur plus impressionnant que celui dressé devant les chemins d’accès au pouvoir : l’exercice de ce pouvoir. Et d’une façon qui corresponde aux idéaux mis en avant pour permettre sa conquête.
La responsabilité qui lui incombe est au coeur de l’articulation entre l’objectif de justice sociale et l’impératif écologique : le logement, c’est-à-dire, en fait, l’organisation collective de l’espace physique. Cette organisation détermine en bonne partie l’empreinte écologique globale de la société. Le « ministère de l’égalité des territoires et du logement » est donc bien un ministère écologique, qui touche à une des préoccupations les plus concrètes de nos concitoyens.
Quels sont les principaux enjeux ? Lancer un programme de rénovation thermique des habitations qui fasse des économies d’énergie une vraie culture en même temps qu’un outil de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de création d’emplois. Renouveler une politique de construction pour répondre au besoin essentiel qui est celui d’habitations à coût raisonnable. Limiter l’étalement urbain, qui consomme aujourd’hui en France plus de 80 000 hectares par an. Si cette politique réussit, elle aura des effets secondaires sur le renouveau de l’agriculture et la limitation de déplacements largement liés à un urbanisme éparpillé.
Est-il possible de construire plusieurs centaines de milliers de logements par an tout en limitant la consommation d’espace ? Ce sera le principal défi. Pour le relever, il faudra revoir le territoire avec un oeil nouveau. Par exemple, nous dit Eric Hamelin, coauteur de La Tentation du bitume (Rue de l’échiquier, 224 p., 14,20 €), « on compte 5 000 km2 de surface de parkings en France. A raison de cent logements pour deux personnes par hectare, cela représenterait cent millions d’habitants ». Le trait est forcé, mais il signifie que les interstices du tissu urbain représentent une importante réserve foncière. Deuxième voie : la maîtrise collective de l’espace, pour sortir des logiques spéculatives. Les outils sont connus : agences publiques foncières et plans d’urbanisme à l’échelle intercommunale. Et puis, troisième outil, modifier une fiscalité qui favorise l’artificialisation des sols, comme le démontre Guillaume Sainteny dans Plaidoyer pour l’écofiscalité (Buchet-Chastel, 262 p., 20 €).
La tâche, comme on dit, est immense. Souhaitons que la ministre soit à la hauteur.