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Tribune

Le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes est une aberration économique

« Il ressort de cette expertise que l’étude socio-économique initiale du projet du nouvel aéroport Notre Dame des Landes n’est pas fiable et qu’un tel programme apportera à la collectivité plus de coûts que de bénéfices »


Ce projet est devenu en quelques années un emblème national d’une aberration sociale, économique et écologique, conjuguant une gabegie des finances publiques, un déni de démocratie locale et un gâchis écologique en supprimant 2 000 hectares de terres agricoles à 30 km au nord de Nantes.

Le projet d’État est porté par les élus socialistes de la Région Pays-de-la-Loire, du Conseil général de Loire-Atlantique et de la ville de Nantes en la personne de son maire, Jean-Marc Ayrault, par ailleurs président du groupe socialiste à l’Assemblé nationale et fervent soutien de François Hollande. La réalisation du projet a été confiée au groupe Vinci, premier groupe mondial de concessions et de construction (35 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010), connu pour sa gestion d’autoroutes et de parkings (souterrains en ville, gares TGV, « covoiturages » près des péages d’autoroute…). Le groupe Vinci est le constructeur désigné de la ligne LGV Tours-Bordeaux dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) et partenaire plus que douteux dans la construction de l’autoroute Moscou – Saint Petersbourg.

La construction d’un nouvel aéroport à la place de l’aéroport existant Nantes-Atlantique fait l’objet d’une vive opposition locale au sein du collectif d’associations, comme l’ACIPA et Solidarité écologie, qui regroupe, entre autres, un collectif de près de 1 000 élus (CéDpa – le Collectif d’élu-e-s Doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre Dames des Landes-), représentant de nombreuses sensibilités politiques allant du NPA à Europe Écologie les Verts, du Parti de Gauche au Modem.

Les élus favorables au futur aéroport NDLL opposent une fin de non recevoir aux arguments avancés par une opposition grandissante au projet. Ceci suscite interrogations, manifestations, débats publics et demande d’une étude économique indépendante. Le collectif d’élus opposés au projet a sollicité un cabinet d’étude européen néerlandais (CE Delft) pour réaliser une double expertise :

(i) passer au crible l’analyse économique de l’enquête d’utilité publique de 2006 qui concluait à un bénéfice global pour la collectivité estimé à plusieurs centaines de millions d’euros,

(ii) comparer les deux solutions suivantes : garder l’aéroport existant ou en construire un nouveau. Les conclusions du rapport sont édifiantes.

Le premier constat de l’étude conclut que le projet du nouvel aéroport NDDL repose sur des bases économiques largement erronées : non-respect de directives nationales, erreurs de calculs qui divisent pratiquement par trois le principal bénéfice de l’analyse économique initiale, zones de flou comme par exemple le coût environnemental (exemple : coût de la gestion de l’eau, coûts de compensation de la suppression ou dégradation des zones humides…), débordement systématique d’optimisme. Au final, en corrigeant les erreurs et exagérations du scénario retenu par les porteurs du projet, la construction de l’aéroport NDDL se solde par un déficit global pour la collectivité estimé à 600 millions d’euros.

La seconde conclusion est encore plus explicite. En comparant les deux solutions (maintenir l’aéroport existant ou en construire un nouveau), garder l’aéroport actuel Nantes-Atlantique en l’améliorant (modernisation de la voie ferrée existante, agrandissement du terminal et des parkings, construction d’une piste transversale pour remplacer à terme celle existante) s’avère être la solution la plus intéressante pour la collectivité, l’opération se solde par un bénéfice global estimé entre 100 et 160 millions d’euros selon que l’on intègre ou non une piste nouvelle.

Il ressort de cette expertise que l’étude socio-économique initiale du projet du nouvel aéroport Notre Dame des Landes n’est pas fiable et qu’un tel programme apportera à la collectivité plus de coûts que de bénéfices. La conclusion pour le collectif d’élus est simple : la Déclaration d’utilité publique du projet annoncée en 2008 doit être abrogée puisqu’elle est fondée sur des données insuffisantes et partiales.

Il est clair que la poursuite d’un tel projet illustre une nouvelle fois, non pas l’incohérence des déclarations publiques, mais la poursuite de la logique de l’emprise libérale sur l’économie. C’est-à-dire privatiser les bénéfices (ceux du groupe Vinci), socialiser les déficits par les impôts locaux, refuser tout débat démocratique, ignorer le coût environnemental par la destruction non motivée de terres agricoles.


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