Tribune —
Le retour de la bougie
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Veuillez vérifier qu’il y a des bougies dans le tiroir de la cuisine. Pourquoi ? Pour passer l’hiver, tiens. Pourquoi ? Ben, il y a plein de nucléaire en France, donc il faut revenir à la bougie. Quoi, quoi, quoi ? Bougie, nucléaire ! Ben oui, beaucoup de nucléaire = retour à la bougie. Vous ne saviez pas ?
Expliquons. Le 30 octobre, Réseau de transport d’électricité (RTE) a annoncé que la « disponibilité prévisionnelle du parc de production français pour cet hiver » sera en « très net retrait ». Des importations d’électricité seront nécessaires entre novembre et janvier. Mais « avec des températures de 7 à 8 °C durablement sous les normales saisonnières, le niveau d’importation pourrait atteindre la limite technique ». Auquel cas, il faudra envisager des actions de sauvegarde, telles que « baisse de tension de 5 %, voire délestage de consommation » - c’est-à-dire coupures, c’est-à-dire bougies.
Remarquez, c’est très moderne, les bougies. Sur le Net - consultez avant la panne, parce que bien sûr, l’ordinateur... -, vous trouverez des magasins bien approvisionnés, on peut payer par carte Bleue.
Bon, mais des températures inférieures de 7 à 8 °C aux normales saisonnières, ce doit être très rare, non ? Non.
« Allô, Météo France ? - Attendez, je regarde les chiffres. Voyons, voyons : une journée inférieure de 8 °C à la normale saisonnière en janvier 2009, deux jours inférieurs à 6 °C en 2008, deux jours inférieurs à 7 °C en 2006, oh, tiens, un coup de froid inférieur à 9,7 °C le 27 février 2005. » Aïe, aïe, aïe, ce n’est pas si rare. Et en 1987, dix jours inférieurs à 10 °C par rapport à la normale, près de dix jours en 1985...
Voyons les choses du côté positif : s’il fait froid, le nucléaire va relancer la production française de bougies, et donc... la croissance ! Whaoô, trop génial !
Au fait, comment nous retrouvons-nous dans cette situation, alors que, cocorico !, la France dispose de cinquante-huit réacteurs nucléaires que le monde entier nous envie ? Eh bien voici :
1 - pour justifier le suréquipement nucléaire, on a stimulé le chauffage électrique ; l’inconvénient du chauffage, c’est qu’on s’en sert quand il fait froid. Donc, en hiver, il y a des pointes très fortes de demande ;
2 - aucune restriction n’étant suggérée à nos concitoyens, la consommation d’électricité croît rapidement : de 450 térawattheures en 2002 à 494 en 2008 ;
3 - le parc nucléaire français connaît plein de problèmes techniques. Plus de dix réacteurs, sur cinquante-huit, sont en ce moment à l’arrêt.
Les solutions existent. La solution gros boeuf : on augmente la production, on construit des centrales thermiques, on construit des centrales nucléaires.
La solution élégante : on réduit la consommation d’énergie, on s’interroge sur ce dont on a vraiment besoin, on fait attention à l’environnement. Le test de l’hiver : gros boeuf, ou élégant ?