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Les Jeux Olympiques d’hiver contre l’environnement

Le maire de Grenoble rêve des Jeux olympiques d’hiver pour sa ville en 2018 - ainsi que Nice, Pelvoux et Annecy. Mais ces joutes sportives sont très nuisibles à l’environnement.

La question des JO est d’actualité, quel que soit leur lieu d’implantation. C’est une question sensible, car les enjeux économiques, politiques et sportifs sont forts. Sans minimiser l’importance de ces dimensions, nous estimons que dans le présent contexte l’urgence est de procéder à l’évaluation la plus précise possible de l’empreinte écologique des Jeux Olympiques d’hiver.

Le contexte : Sans qu’il soit besoin de le détailler ici, il est bien sûr celui :
-  des ressources énergétiques fossiles en cours de raréfaction accélérée,
-  de la précarité aggravée d’une proportion croissante de la population mondiale,
-  de changements climatiques majeurs aux conséquences très inquiétantes pour la vie sur terre.
On ne peut donc plus poser la question des jeux olympiques comme on la posait il y a vingt ans, à fortiori comme il y a quarante ans (sauf si l’on était écologiste)
C’est pourquoi les Amis de la Terre estiment indispensable de procéder à cette évaluation, à partir de laquelle chacun pourra se positionner.

Dans la grille des 11 critères de sélection du comité international olympique (CIO), les critères environnementaux (conditions et impacts) viennent en dixième position, et représentent 2 points de coefficient sur 35. Et l’on peut constater que pour les JO de 2014 la ville de Sotchi, finalement retenue, avait le projet environnemental le plus bas (5-6 sur 10), Salzbourg (8-9 sur 10), Peyongchang (7-8 sur 10). Les critères environnementaux, prenant en compte le souci des équilibres naturels, ne sont absolument pas déterminants.
C’est juste un thème de discours sacrifiant à la mode du développement durable.

Aspects en relation avec l’aménagement du Territoire

A – L’exemple de la région urbaine grenobloise

Dans ce domaine, l’expression des décideurs économiques et politiques de la région grenobloise est sans équivoque : « les JO, c’est quoi ? les JO c’est le BTP, c’est les infrastructures routières » (le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble, FR3, 09/09/2008)

Par ailleurs, le projet GIANT incluant la réalisation de la Rocade Nord de Grenoble, est clairement mis en relation avec le « projet olympique » par le maire de Grenoble, ainsi que l’élargissement de l’A 480 et l’augmentation des capacités de l’aéroport de Saint Exupéry. Selon cette logique, la réalisation de l’autoroute A51 jusqu’à GAP devrait faire partie des mesures de « l’indispensable désenclavement de la ville ».

Tous ces projets vont dans le sens de la réalisation d’une continuité urbaine, une mégapole allant de Genève à Valence : le contraire d’une ville à taille humaine préservant les espaces agricoles et naturels, dont la prochaine génération aura le plus grand besoin.

Un modèle de développement incompatible avec les données écologiques du très proche futur.

B – Le cas des JO de Turin 2006 (500 000 spectateurs + 2 500 athlètes)

Ces Jeux sont présentés comme l’exemple type des Jeux écologiquement propres et promoteurs d’un développement durable.
Selon les données rassemblées par Legambiente (consultables sur son site), la plupart des 65 structures construites pour l’occasion sont au cœur de plusieurs controverses : stades à démolir ou à réadapter, gares ferroviaires en friches, parkings géants inutiles et/ou inadaptés – pistes de bobsleigh et tremplins peu ou pas utilisés (exemple à rapprocher du tremplin de Saint Nizier, abandonné depuis 1972).

Les coûts financiers et écologiques sont très importants :
-   des dizaines de millions d’euros, sans retour d’investissement
-   des centaines d’hectares artificialisés aux dépens de surfaces agricoles
-   des dizaines d’hectares de forêts transformées en friches, ou en espaces bétonnés

Eau et énergie (source site CIPRA Commission Internationale pour la PRotection des Alpes)

En deux semaines les JO de Turin ont consommé autant d’eau qu’une ville de 600 000 habitants pendant un an.
Il est plus difficile d’évaluer la quantité d’énergie consacrée à la construction de 80 grands ensembles, comme à Pragelato, structures aujourd’hui fantômes et attendant de problématiques acheteurs.
La dette résultant des JO de Turin (63,6 M€) constitue au-delà de la dimension purement financière hors du champ de notre évaluation, un problème écologique d’aménagement du territoire. Les investissements publics potentiels sont asséchés par cette dette. C’est du non développement durable garanti.

Impacts écologiques collatéraux

Très importantes mais très difficiles à évaluer sont les surconsommations d’énergie -affichages électroniques-, de papier -affichages publicitaires – (Coca Cola, MacDo, etc…) de produits dérivés, toutes consommations liées à la dimension commerciale, elle-même dimension incontournable des JO.
Il est raisonnable d’estimer que des Jeux se déroulant à Grenoble, Annecy, Nice ou Pelvoux amèneraient des impacts équivalents à ceux de Turin, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
De même, le formatage des paysages de montagne pour les rendre aptes aux accès et au déroulement des épreuves a toutes chances d’être aussi dommageable et aussi durable qu’on a pu le constater lors des jeux de Turin.

Conclusions

1 - On peut estimer que les projets Jeux Olympiques, Championnats du Monde et autres manifestations internationales peuvent être rendus écologiquement, économiquement et socialement acceptables, donc conformes aux standards du développement durable, aux conditions élaborées par CIPRA :
-  consensus social et participation des citoyens : le CIO devra valider la candidature à la condition expresse que celle-ci repose sur un vaste consensus social. La participation des citoyens ne pourra se faire que par une information transparente et objective et par l’intégration de leurs représentants dans les instances de décisions.
-  contrôle et sanctions : les candidatures devront respecter toutes les normes régionales, nationales et internationales en vigueur, sans possibilité d’y déroger par quelque moyen que ce soit. Le contrôle de ce respect doit être prévu et les écarts sanctionnés.
-  fonds pour l’environnement et la reconversion des sites : les fonds garantissant la compatibilité entre le projet et l’environnement ainsi qu’à propos de la reconversion des sites devront être garantis par le CIO et les comités olympiques nationaux, et en aucun cas prélevés sur les comptes publics.
-  transparence : les dates et les informations relatives à l’organisation devront être disponibles et accessibles au grand public.
-  infrastructures : ne pourront être sélectionnées que les villes (ou régions) disposant déjà d’une bonne part des infrastructures indispensables.
-  rapport à l’environnement : tous les projets devront être adaptés aux plus récents standards écologiques.

2- On peut aussi estimer que l’objectif de réduire les émissions de CO2 par un facteur 4 d’ici 2050 pour contenir le réchauffement climatique, c’est-à-dire réduire de 75% les émissions, impose de façon imminente de faire porter les premiers efforts sur les activités non vitales. Logement et transports de marchandises constituent des priorités. Le tourisme est une activité secondaire dont l’avenir est dans la relocalisation.

Si l’on a cette lecture, on est conduit à une position plus radicale : les JO d’hiver (et d’été très probablement) n’ont plus leur place dans notre futur immédiat, même si l’on ne retient comme base de calcul que le domaine des déplacements.

Si le tourisme en milieu montagnard a un avenir, en se relocalisant et en s’écologisant, il n’en est pas de même des manifestations du type JO qui supposent le déplacement de plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de personnes sur de longues distances ainsi que l’installation sur place de milliers de résidents temporaires, à priori peu enclins à réduire leur empreinte écologique. Cela se traduit par une surconsommation d’énergie, d’eau et de services. La vie sur notre planète ne peut plus se permettre ce luxe !

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