Les collecteurs d’ordures des pays du Sud veulent voir reconnu leur rôle contre le changement climatique
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Chiffonniers et recycleurs souhaitent bénéficier de mécanismes de soutien internationaux
Dans de nombreuses grandes villes des pays du Sud, une large part du traitement des ordures est assurée par des collecteurs de déchets indépendants, vivant en communautés à part, et tirant leurs moyens d’existence du tri et du recyclage de ces déchets. Ils sont environ vingt millions à travers le monde et se sont organisés en associations depuis une vingtaine d’années.
Ils ont formé il y a peu une Alliance mondiale des collecteurs (Global Alliance of Waste Pickers), présente à Cancun, en décembre 2010, lors de la conférence sur le climat. Il s’agissait d’affirmer le rôle des chiffonniers dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Comme l’a indiqué un rapport récent du Programme des Nations unies pour l’environnement, « Waste and Climate Change », le secteur des déchets représente entre 3 % et 5 % des émissions globales de gaz à effet de serre, soit par le gaz carbonique dégagé par leur combustion, soit par le méthane qui se dégage de la décomposition des déchets organiques. Pour limiter les émissions, des projets d’incinérateurs ou de récupération du méthane sont éligibles au mécanisme de développement propre (MDP), qui génère des « crédits d’émission » monnayables sur le marché du carbone.
Mais les collecteurs de déchets critiquent la façon dont ces projets sont retenus et conduits. « Cela ne profite qu’aux grosses compagnies, proteste Silvio Ruiz, qui travaille à Bogota, en Colombie. Ces MDP ne visent qu’à mettre en place la mise en décharge et l’incinération, qui ne sont pas des bonnes solutions. »
Les pratiques de tri et de recyclage des collecteurs seraient plus efficaces. Selon une étude, intitulée « Cooling Agents » et réalisée par Chintan, une ONG indienne, les techniques existantes évitent près de quatre fois plus d’émissions de gaz carbonique qu’un incinérateur qui a bénéficié du MDP. « Il faut encourager le recyclage, que nous mettons en oeuvre, dit Simon Mbata, originaire de Sasolburg, près de Johannesburg, en Afrique du Sud. Pour l’améliorer, le plus efficace est de développer le tri à la source, après quoi nous assurons le bon recyclage. »
Les collecteurs assurent aussi que la récupération du méthane peut être avantageusement réalisée par le développement du compost et par de petits digesteurs et générateurs de biogaz. Ainsi, à Bombay et à Pune, en Inde, de tels dispositifs ont été mis en place, grâce à un partenariat entre la municipalité et les associations locales de collecteurs : « Nous séparons très strictement les matières organiques et les autres déchets, explique Vatsala Gaikwad, une collecteuse de Pune. Les matières organiques sont placées dans la machine à biogaz, dont le gaz fournit l’électricité et le combustible de cuisine à un quart de nos maisons. »
Tri, récupération, compost, biogaz : les collecteurs se présentent comme des prestataires plus efficaces que les compagnies privées avec lesquelles les municipalités passent de plus en plus souvent des accords. Et, bien sûr, ils créent des emplois et réduisent la quantité de matières premières à produire, du fait de leur recyclage. « Nous demandons le respect, dit M. Mbata, et que l’on reconnaisse notre travail comme un moyen de limiter les émissions. »
« Les fonds climatiques doivent reconnaître l’action des organisations de terrain, qu’il s’agisse des collecteurs, des paysans ou des indigènes », renchérit M. Ruiz. La requête vise les discussions qui vont se poursuivre après Cancun : « Les collecteurs ont droit à bénéficier du fonds vert global qui se met en place », estime Garima Gupta, de l’association Chintan.