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Les oligarques du Siècle chahutés par le peuple

Le 24 novembre au soir, les oligarques se retrouvaient pour leur dîner mensuel, place de la Concorde, à Paris. Des manifestants sont venus troubler leurs agapes.


Le Siècle est un club très fermé, qui réunit quelque 600 membres triés sur le volet : patrons (Claude Bébéar, Michel Pébereau), ministres (Nathalie Kosciusko-Morizet), hiérarques des partis (Alain Juppé, Martine Aubry), journalistes de cour (Jean-Pierre Elkabbach, David Pujadas, Arlette Chabot).

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On peut y voir un de ces lieux où la classe oligarchique se reconnait, discute, et définit des consensus qui deviennent les lignes de conduite des politiques imposées ensuite à la société. Tous les 4e mercredi du mois, ils se retrouvent au restaurant de l’Automobile Club de France, place de la Concorde. Comme ce soir, le 24 novembre.

Mais une foule a décidé de les accueillir. J’ai été prévenu par un groupe sur Facebook, d’autres par Demosphère, ou par le bouche à oreille, ou par d’autres sites. C’est le collectif « Fini les concessions-Branche armée de patience » qui organise la réception.

La fois précédente, me dit le président de l’Automobile Club, habillé d’un manteau en poil de chameau, « ils étaient 50. Maintenant, ils sont près de 300 ». La foule est face au bâtiment dont l’entrée déroule un tapis rouge jusqu’à une porte de verre. Un cordon de policiers s’est placé sur la chaussée, et l’accès du trottoir est progressivement interdit.

Les manifestants crient dans la bonne humeur. Il y a deux drapeaux rouges, un drapeau du Parti de Gauche, quelques mégaphones, des tambours et des cymbales.

http://www.reporterre.net/sons/Cris1.mp3

Peu à peu, les membres du Siècle arrivent, soit débouchant du métro, soit en berlines qui les déposent - normalement devant le Club, mais là, sur la place, ils sont un peu perdus.

C’est la nuit, la Grande roue illumine le bout du jardin des Tuileries, la Tour Eiffel scintille de mille feux, les lumières des voitures se réverbèrent sur le pavé mouillé. Cris et chants continuent. D’un haut-parleur, quelqu’un dit : « Pour leur bien, il faut les faire manger. On va leur faire parvenir par la voie aérienne de la nourriture, des assiettes, des oeufs qui vont circuler. Il ne faut pas s’énerver, faites-leur des bisous, que tout se passe bien, et qu’on s’amuse. » En fait, chaque fois qu’un membre supposé arrive, les oeufs jaillissent par voie aérienne.

Sortant du métro, voilà qu’arrive Nicole Notat. Ancienne secrétaire générale du syndicat CFDT, Mme Notat est passé du côté des patrons - pardon, des chefs d’entreprise -, elle s’occupe de « responsabilité sociale » ou quelque chose comme ça. Elle est membre du Siècle, et en sera même la nouvelle présidente, en janvier prochain.

Je l’intercepte, et l’interroge sous son parapluie :

http://www.reporterre.net/sons/Notat.mp3

Elle file vers l’entrée. La tension monte un peu, le trottoir est jonché d’oeufs écrasés. Des gens sortent précipitamment du Club, peut-être à la fin de leur journée de travail. Des riches arrivent à pied, effarés, au milieu des huées et des sifflets. Difficile de les intercepter. Un policier me lâche, « Commence à me faire chier, journaliste ou pas journaliste ! ». Je repasse du côté des... voyons, si ici, ce sont les oligarques, en face, c’est... le peuple.

Des limousines lâchent leur contenant derrière... le peuple. Ils traversent la foule, qui reste bon enfant, et le filet de policiers, qui les reconnaissent de suite, à leur beau costume et à leur cravate. Les manifestants se moquent d’eux.

http://www.reporterre.net/sons/Un r...

Voici Mico, un des participants de la soirée. Mégaphone à la main, il explique pourquoi on est là : écouter ici : http://www.reporterre.net/spip.php?...

Il n’y a plus beaucoup d’oeufs. Des cris, des « ouh », quelques pétards, des tams-tams, des slogans : « Elysée au Karcher », « Les racailles en col blanc, allez vous faire foutre », « Police nationale, police du capital », « On a faim de justice », etc. Ca discute à droite à gauche. Les policiers se sont casqués, et ont sorti le bouclier. Un jeune cause à un agent, dont le visage est caché par un mouchoir sous le casque, on ne voit que ses yeux :

http://www.reporterre.net/sons/Au p...

Voilà, la soirée des riches a été gâchée. Il est bien de situer et de montrer les lieux de pouvoir. Et de répandre, sans doute, un soupçon d’inquiétude dans l’oligarchie.

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Dans la soirée, la police interpelle une trentaine de personnes présentes - dehors, pas ceux qui étaient dedans : encore une erreur judiciaire !
Lire : http://www.google.com/hostednews/af...


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