Les riches des pays pauvres doivent être mis à contribution
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Une proposition innovante pour intégrer l’inégalité sociale dans la lutte contre le changement climatique.
Paul Baer ne paye pas de mine. Queue de cheval, barbu et sans cravate, cet écologiste est pourtant une grosse tête : PhD de l’université de Berkeley (énergie et ressources), il passe une partie de son temps sur un projet de recherche à l’université Stanford (Etats-Unis). A 46 ans tout juste, il est surtout le coauteur d’un des projets de politique climatique les plus excitants du moment.
Cette étude part du principe que, si l’humanité veut rester en deçà d’un réchauffement du globe de 2 °C, elle devra réduire drastiquement ses émissions, de l’ordre de 80 % d’ici à 2050. Mais ce changement peine à se réaliser, en raison des réticences des pays du Nord à changer leur comportement, et en raison de l’objectif légitime des pays du Sud à se développer. Pour sortir de cette impasse, le groupe Ecoequity de Paul Baer propose un changement de paradigme : le droit au développement d’une grande partie de la population mondiale doit être reconnu, assure-t-il, et aucune contribution ne devrait être demandée aux personnes situées en dessous d’un niveau de pauvreté global, que l’on peut situer à 20 dollars par jour. Les auteurs appellent ce niveau le « seuil de développement »
Deuxième idée : les « pays du Sud » ne doivent plus être considérés comme un bloc. Dans de nombreux pays émergents sont apparues des classes moyennes et riches, disposant de revenus plus élevés que ce seuil. Or, explique Paul Baer, « les riches ne devraient pas avoir le droit de polluer sans limite sous prétexte que leur pays est pauvre. En fait, les personnes situées au-dessus de ce seuil ont réalisé leur droit au développement et ont la responsabilité de préserver ce droit pour les autres ».
Ecoequity propose donc de sortir de l’opposition stérile Nord-Sud, pour intégrer l’inégalité sociale dans le raisonnement : on demanderait une contribution pour financer les mesures de réduction des émissions aux classes moyennes et riches du monde entier. Bien sûr, les pays du Nord resteraient les principaux contributeurs : aux Etats-Unis, près de 95 % de la population se situe au-dessus du niveau de 20 dollars par jour, contre environ 5 % en Inde et 20 % en Chine.
La proposition d’Ecoequity n’est-elle pas utopique ? « Je dirais plutôt idéaliste, répond Paul Baer. Il faut proposer des nouveaux concepts pour faire avancer les choses. » « C’est utile, observe Brice Lalonde, ambassadeur français chargé des négociations sur le changement climatique. Ce type d’idées nous sert de boussole pour orienter les négociations. »