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Lutte contre la corruption : Sarkozy loin du compte

Nicolas Sarkozy a respecté certains engagements en matière de lutte contre la corruption. Mais d’autres choix majeurs, comme la volonté de supprimer le juge d’instruction et le recours accru au « Secret défense », sont de grands pas en arrière.


Loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption, rôle moteur de la France dans la relance du combat international contre les abus des paradis fiscaux, durcissement du secret défense opposable aux enquêteurs, annonces présidentielles de suppression du juge d’instruction et de dépénalisation de la vie des affaires, allégement des procédures de passation des marchés publics : en deux ans de Présidence de Nicolas Sarkozy, nombreuses sont déjà les initiatives prises par le gouvernement et la majorité parlementaire qui ont eu une incidence directe sur le cadre législatif et institutionnel de prévention et de lutte contre la corruption.

Ces multiples évolutions, déjà mises en oeuvre pour certaines et en cours d’examen pour les autres, conduisent TI (Transparency International) France à dresser un premier bilan des engagements électoraux du Président de la République, au moment où celui-ci achève la deuxième année de son quinquennat.

Durant la campagne électorale, notre association avait en effet pris l’initiative d’adresser un questionnaire appelant les 12 candidats à prendre publiquement position sur des mesures précises qui nous paraissent de nature à promouvoir l’intégrité et la transparence, tant dans la vie publique que dans la vie économique.

Du point de vue de TI France, certaines des réformes et initiatives mises en oeuvre depuis mai 2007 constituent des avancées réelles dont il faut se féliciter. D’autres, au contraire, appellent des interrogations, si ce n’est de vraies inquiétudes.

Satisfactions

La France a joué un rôle décisif dans l’offensive récente menée contre les centres financiers non-coopératifs (paradis fiscaux) dont l’opacité constitue l’un des principaux obstacles à la lutte internationale contre la corruption. La diplomatie française a aussi activement milité en faveur de la mise en place d’un mécanisme de suivi des engagements des 140 Etats signataires de la convention des Nations Unies contre la corruption.

Le renforcement et la mise en cohérence des incriminations de corruption en droit français opérés dès le début du quinquennat par la loi du 13 novembre 2007, constitue un autre progrès. Cette même loi a par ailleurs offert au salarié du secteur privé une protection légale – de notre point de vue essentielle – contre les représailles lorsque, par civisme, il dénonce de bonne foi un acte de corruption au sein de son entreprise. Cette loi a enfin armé les juges et policiers anti-corruption de moyens d’enquêtes renforcés jusque-là réservés à la lutte contre la grande criminalité (écoutes, sonorisations, etc.).

Interrogations et inquiétudes

Paradoxalement, ces avancées, très positives, n’ont pas achevé de convaincre TI France de la volonté du pouvoir politique de doter la police et la justice françaises des capacités et des instruments suffisants pour mettre à jour et traiter les dossiers de corruption et,notamment, les grandes affaires politico-financières. Deux projets sont à l’origine de cette perplexité.

Le premier préconise la suppression du juge d’instruction sans prévoir de renforcer l’autonomie du parquet par rapport au pouvoir exécutif pour l’ouverture et la conduite des enquêtes. Dans ces conditions, le risque est grand que l’action de la justice ne soit même plus initiée dans des dossiers de corruption, de trafic d’influence ou d’abus de biens sociaux susceptibles de gêner des dirigeants politiques ou économiques.

Le second propose de limiter davantage l’accès des juges aux documents classés secret défense alors même que, comme l’a démontré l’affaire des « Frégates de Taïwan », le dispositif actuel entrave déjà excessivement l’action du juge anti-corruption.

Mises en perspectives avec l’affaiblissement continu ces dernières années des différents corps d’enquêteurs spécialisés en matière de délinquance financière, ces deux annonces sont perçues par de nombreux magistrats comme les points d’orgue d’une « réaction des élites » à la vague des dossiers politico-financiers des années 90.

Rappelons enfin la défiance que continuent d’exprimer les Français et les milieux d’affaires internationaux lorsque TI les interroge sur leurs perceptions du niveau d’intégrité de la classe politique française. Ces résultats, même s’ils sont sans doute excessivement sévères par rapport à la réalité des comportements de la grande majorité du personnel politique, devraient néanmoins susciter des mesures concrètes pour restaurer la confiance rompue.


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