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Climat

Méthane : la bombe climatique qui pourrait être désamorcée

D’après un rapport scientifique, une réduction de 45 % des émissions mondiales de méthane serait possible d’ici 2030, et permettrait d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris. En outre, cette réduction aurait des effets bénéfiques sur la santé humaine et les rendements agricoles.

Moins connu du grand public que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) est pourtant un gaz à effet de serre encore plus puissant. Sur un horizon de cent ans, il a un pouvoir de réchauffement de 25 à 30 fois plus important que le CO2. Une étude publiée en juillet 2020 par le Global Carbon Projet (GCP) indiquait que les concentrations de méthane dans l’atmosphère atteignent désormais 1 875 parties par milliard, un taux inégalé depuis au moins 800 000 ans.

Pour mieux observer et connaître le méthane, la Coalition pour le climat et l’air pur [1] et le programme des Nations unies pour l’environnement (Unep) ont réalisé en commun un rapport, publié jeudi 5 mai.

Lire le rapport « Global methane assessment : benefits and costs of mitigating methane emissions »

Leur conclusion est étonnamment optimiste : selon eux, les émissions anthropiques de méthane (celles créées par les activités humaines [2]) pourraient être réduites de 45 % en dix ans, permettant ainsi le respect de l’Accord de Paris sur le climat [3]. Et cette réduction n’aurait pas que des effets bénéfiques sur le climat : elle en aurait aussi sur la santé humaine et les rendements agricoles.

Éviter 0,3 °C du réchauffement climatique global d’ici 2045

Commençons par le climat. Le rapport indique que les émissions anthropiques de méthane sont causées par les énergies fossiles (l’extraction, la transformation et la distribution du pétrole et du gaz à 23 % ; les mines de charbon à 12 %), les déchets (environ 20 %) et l’agriculture (l’élevage à 32 % et la riziculture à 8 %). Les auteurs proposent plusieurs solutions pour changer la situation.

Pour le secteur des énergies fossiles, ils mettent en avant la détection des fuites de méthane (c’est un gaz incolore et inodore), via des mesures satellites par exemple, et la réparation des installations industrielles concernées. Pour les autres secteurs, ils recommandent de séparer les déchets organiques des autres, afin qu’ils ne finissent pas dans les décharges [4], et suggèrent de changer l’alimentation du bétail dans les élevages. D’autres propositions « indirectes » sont évoquées, comme la réduction de la consommation de viande et le développement des énergies renouvelables.

D’après cette nouvelle étude, « environ 60 % » des mesures ciblées de réduction des émissions des méthane ont des « coûts d’atténuation faibles » et « un peu plus de 50 % d’entre elles ont des coûts négatifs – les mesures se rentabilisant rapidement en économisant de l’argent ».

« Réduire les émissions de méthane est le plus fort levier que nous ayons pour ralentir le changement climatique au cours des vingt-cinq prochaines années, et complète les efforts nécessaires pour réduire les émissions de CO2, affirme dans un communiqué de presse Inger Andersen, la directrice exécutive de l’Unep. Les bénéfices pour la société, l’économie et l’environnement sont nombreux et dépassent de loin le coût. »

En tout, le CCAP et l’Unep estiment que les émissions de méthane pourraient être réduites de 45 % en dix ans, et permettraient d’éviter presque 0,3 °C du réchauffement climatique global d’ici 2045. C’est un des points positifs du méthane : même s’il possède un fort effet de réchauffement, il a une courte durée de vie dans l’atmosphère (une dizaine d’années, contre une centaine d’années pour le CO2).

Des morts prématurées et des pertes agricoles

Pour la première fois, ce rapport ne se contente pas de faire le lien entre émissions de méthane et climat. Il évoque également les effets de ce gaz sur la santé humaine et les rendements agricoles.

« Le méthane a une durée de vie d’une dizaine d’années, car il est détruit par réaction photochimique dans l’atmosphère, dit à Reporterre Marielle Saunois, enseignante-chercheuse au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). Cette oxydation du méthane va produire de l’ozone, qui a un effet néfaste sur la santé car c’est un oxydant. Il est responsable d’irritations, de problèmes d’asthme, etc. »

Ainsi, le rapport estime qu’une réduction de 45 % des émissions de méthane permettrait d’éviter 260 000 morts prématurées dans le monde et 775 000 visites à l’hôpital pour des problèmes d’asthme.

Et ce n’est pas tout ! « Des quantités trop importantes d’ozone altèrent aussi le feuillage de certaines cultures, ce qui entraîne une diminution du rendement agricole », poursuit Marielle Saunois. Le rapport indique que la réduction des émissions de méthane permettraient d’éviter la perte de 25 millions de tonnes de récoltes agricoles par an.

« Cette étude permet de mettre en évidence le cumul d’effets positifs qu’aurait une réduction massive des émissions de méthane, pas seulement sur le climat, constate Marielle Saunois. Cela peut toucher plus de monde et avoir plus d’impact politique et économique. »

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