Tribune —
Nestlé à Vittel : l’oligarchie à l’oeuvre
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Le fonctionnement de l’oligarchie ne s’exprime pas seulement dans l’ordre politique, mais aussi dans l’économie. Illustration, l’oeuvre de Nestlé à Vittel, dans les Vosges.
Une entreprise est un système oligarchique (le pouvoir de quelques-uns, qui délibèrent entre eux des solutions qu’ils vont imposer à tous).
« Il est de l’intérêt des puissants de faire croire au peuple qu’il est en démocratie », Hervé Kempf.
(...) Sous l’effet de la peur de l’avenir, de l’isolement « publicitaire », de l’absence de débat, de la perte des repères familiaux, sociaux, les gens finissent par accepter l’inacceptable, c’est-à-dire une véritable inversion des valeurs. « La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ».
Mais quittons ce débat général pour venir sur le terrain de notre bonne commune de Vittel, propriété du groupe Nestlé. Vittel est en effet colonisé par cette entité venue d’ailleurs. Nous la connaissons surtout par sa politique prédatrice appliquée par des cadres supérieurs zélés qui se succèdent à une vitesse qui donne le tournis. La plupart de ces cadres supérieurs n’ont pour port d’attache que leur carriérisme et leurs intérêts personnels. Sans état d’âme, sans aucune attache affective avec notre ville ni avec sa population, ces gens sont les Robocop idéals pour appliquer les règles de leurs maîtres, qui sont aussi nos maîtres : Nestlé.
Un peu d’histoire :
1- Nestlé entre dans le capital de la société (classique).
2- Nestlé augmente le capital (classique).
3- Nestlé devient majoritaire (classique).
4- Quand ils ont eu les mains libres, progressivement Nestlé a éliminé tous les liens qui étaient établis depuis des décennies entre la société des eaux minérales de Vittel et Vittel. Ce processus est bien connu, et dans la logique dite libérale, il apparaît comme une modernité d’une efficacité merveilleuse. C’est-à-dire : éliminer toutes les vieilleries qui coûtent cher et qui ne servent à rien.
5- Pour que toutes ces vieilleries et cette histoire sentimentale soit éliminée, il a fallu donc aussi éliminer tous les cadres qui avaient des attaches avec Vittel. Dans les années 90, des dizaines de cadres Vittellois de coeur ou d’origine ont été remerciés, licenciés, déplacés.
6- Après deux ou trois décennies de patience d’ange, Nestlé s’est aussi débarrassé des thermes et du casino (" vous comprenez ce n’est pas notre coeur de métier "). Comment ce Big Brother sans âme pouvait-il savoir que la vente de l’eau en bouteille avec des racines historiques avec l’eau de santé que représentent les thermes ? Comme quoi, des maîtres du monde peuvent être aussi bête à manger du foin.
7- L’étape suivante consistait à rompre avec les entités historiquement séparées de Vittel et Contrex. Le PDG de l’époque Monsieur D. (sorte de Malcolm X Suisse ?, hollandais ?si, autrichien ?) a donc avec fierté débaptisé les deux usines qui sont devenues ainsi Nestlé Waters, Nord, Sud, Ouest, du dessus, du dessous etc. Je ne sais pas ce que les Vittellois en ont pensé, mais ce fut un énorme choc pour certains d’entre nous.
8- Maintenant, Nestlé allait pouvoir s’attaquer au gros morceau : le démantèlement de tous les acquis sociaux. En effet, les ouvriers coûtent cher, et ils ne foutent rien. Pour le bien de l’entreprise il est bon de diminuer le nombre d’ouvriers et de diminuer leurs salaires honteusement élevés.
Il a donc fallu créer plusieurs concepts :
- l’implantation d’un " pipeline " entre Vittel et Contrex a contribué à la perte d’identité et à la solidité des groupes organisés.
- La patience : les anciens ouvriers imprégnés de culture revendicative partent progressivement à la retraite.
- L’utilisation d’employés d’intérim : cette stratégie diminue proportionnellement l’importance des groupes organisés qui entrent un peu en concurrence (les mal payés et les bien payés).
- L’exportation d’une partie des employés vers d’autres sites : Auzinvillier.
Nous avons pu constater ainsi, que la culture populaire de l’usine a disparu progressivement, avec certains coups de boutoir justifié par la providence de l’église libérale : la crise, la concurrence.
Nous avons sans doute oublié beaucoup de choses, mais nous pouvons remercier Nestlé de nous donner un tel exemple d’oligarchie arrogante et conquérante, cela nous servira pour notre combat citoyen pour une redécouverte de la démocratie. Nous attendons aussi avec impatience les nouvelles stratégies que vont concocter les nouveaux cadres supérieur de Nestlé qui vont bientôt nous rendre visite. Nous les commenterons avec plaisir.